mercredi 27 janvier 2016

On n'est plus des touristes !




En 2016 on est à l’aise, à Puerto Lopez !  Bientôt quatre semaines qu’on y traîne, du matin au soir à peine plus vêtus que les pélicans qui se dandinent sur la plage… Pourtant, comme dit Anémone, malgré les apparences on n’est déjà plus des touristes. Non, on est des voyageurs. Une idée qui se défend... Ici les touristes arrivent avec un programme tout programmé, qu’ils exécutent avec comme objectif de ne pas se faire arnaquer, et puis ils s’en vont vers leur prochain programme. Vu que le temps leur est compté, ils essayent de voir le maximum de choses en un minimum de temps. Pas inintéressant, mais très fatigant ! Le voyageur, lui, n’a pas vraiment de programme, mais par contre il a du temps, ce qui en général finit par lui donner, croit-il, une certaine proximité avec les gens du coin. Au moins l’impression, pendant quelques semaines, de faire un peu partie du paysage. C’est tellement agréable, dans un pays étranger, de croiser des visages connus dans la rue, et d’échanger quelques mots…


Il faut dire qu’Anémone, question touristes, elle commence à en connaître un rayon ! Ce n’est pas très étonnant, au vu de la quantité d’hôtels et de lieux touristiques qu’on a fréquentés depuis bientôt six mois. Mais ici elle est aux premières loges, et même en formation intensive, parce qu’elle commence à faire partie du personnel, et à voir les choses de l’autre côté de la barrière. Depuis la loge, justement. 


Tous les soirs elle squatte le bureau de l’hôtel, avec Alandi, un jeune du quartier qui vient donner un coup de main, en échange d’avoir accès à l’ordinateur. 



Darwin, le boss, amusé, les laisse faire la programmation musicale entre deux parties de billard, et assurer l’accueil des touristes. Rarement en français, très approximativement en anglais, presque toujours en espagnol. Ici tous les touristes, même américains, se débrouillent en espagnol (de toutes façons à Puerto Lopez tout le monde ne parle que trois mots d’anglais…).



Il y a les backpackers (les routards), qui choisissent la tente ou le dormitorio (le petit dortoir), à 5 ou 6 dollars par personne. Il y a ceux qui prennent la chambre avec baño compartido (salle de bain partagée), à 8 dollars la nuit. Puis ça monte à 10 dollars pour le baño privado. Et puis il y a la « suite », c’est-à-dire le petit appartement sur deux niveaux avec cuisine, où nous trônons au milieu de la cour au-dessus des sanitaires, au frais dans le feuillage des palmiers, et que Darwin nous laisse pour un mois au prix du dormitorio. Moyenne d’âge entre 25 et 30, beaucoup d’Argentins toujours très bruyants, pas mal d’Européens aussi, souvent des étudiants qui vivent à Quito et qui viennent prendre quelques jours de vacance sur la côte. Et plein d’Equatoriens, parfois touristes, mais la plupart du temps des gens du village qui viennent faire une bricole, vendre des fruits, ou tout simplement discuter de longs moments avec Darwin, au frais sur les canapés ou dans les hamacs…



Anémone nous tient au courant des arrivées et des départs, des nationalités des uns et des autres, de leurs histoires, des lieux qu’ils ont visités aux alentours. Forcément j’ai arrêté les cours d’espagnol, et si ça continue c’est elle qui va devenir le prof ! Quant à Albert, la couleur de sa peau ressemble de plus en plus à celle de ses collègues footballeurs aux pieds nus. Et quand il ne s’endurcit pas la corne sur la plage, il progresse à grands pas au billard et aux échecs, attendant impatiemment de nouveaux arrivants pour se mesurer à eux. 




Le reste du temps il essaye de placer ses chanteurs préférés. Heureusement que Darwin résiste un peu, sinon Kendji Jirac et Maître Gims auraient mangé tout cru la Mano Negra, Bob Marley et la salsa !




Au début on a un peu craint de s’ennuyer. Mais seulement au début ! Parce que très vite on s’est refait embarquer dans notre petite routine : cours le matin, pêche-plage l’après-midi. Et qu’ensuite le rythme de vie du village nous a insensiblement gagnés. 





En simplifiant beaucoup on peut dire que les gens d’ici se lèvent très tôt, ou même travaillent de nuit comme les pêcheurs. Ensuite ils passent une partie de l’après-midi dans les hamacs, sous des auvents au bord du trottoir. 



Puis, à la tombée de la nuit, vers 19 heures, la musique envahit progressivement les rues : crooners équatoriens à un coin de la rue, salsa colombienne et percussions 20 mètres plus loin, de temps en temps un peu de rock ou de techno, mais toujours avec de plus en plus de décibels à mesure que la nuit s’avance, tout ça jusqu’à 23 heures ou minuit en semaine, et jusqu’à l’aube le week-end.
Résultat : il nous a fallu 15 jours pour réussir à «faire», comme on dit, le programme touristique qui dure normalement deux jours ! Et encore on se garde les 15 jours suivants pour faire le «gros» programme : la découverte de l’arrière-pays tropical qui se cache dans les montagnes, domaine des mystérieuses « communautés », comme on dit ici, c’est-à-dire des descendants des premiers habitants, c’est-à-dire de ceux qui étaient là avant les Espagnols, c’est-à-dire des Indiens en bon français . 

  

Pourtant, il n’y a pas que le rythme indolent des habitants et la magie des grandes vagues du Pacifique à nous avoir un peu scotchés. Incompréhensiblement, peu après notre arrivée, Hélène a commencé à faire des malaises. Et de plus en plus fréquemment, jusqu’au jour où l’ambulance est venue la prendre devant l’hôtel pour l’emmener aux urgences du centre de santé. Ils n’ont rien trouvé, mais cela n’a pas cessé pour autant. Trois jours plus tard nous voilà partis à l’hôpital de Manta, à deux heures de route. On a fini par y dénicher une cardiologue à l’écoute et une machine à électrocardiogramme en état de fonctionnement, mais toujours aucune anomalie. Idem pour les résultats de la prise de sang. 


Diagnostic proposé depuis la France : malaises vagaux. Pas grave, le plus dangereux étant de se blesser en tombant, le genre de truc qui s’en va comme il est venu, paraît-il. Heureusement depuis quelques jours les malaises disparaissent progressivement, mais elle continue à être essoufflée au moindre effort…  


En attendant qu’elle retrouve son cœur de jeune fille, nous ne quittons pas le village. Et nous n’allons pas le regretter. Finalement les Equatoriens de la côte ressemblent un peu aux Bretons de la côte, en tous cas dans leur façon d’aborder les touristes. Au premier abord, ils sont sympathiques sans être chaleureux. Au bout d’une semaine, ils commencent à vous demander ce que vous pensez de l’endroit où ils sont nés, et qui est le plus bel endroit du monde. Et puis au quinzième jour, ils vous apprennent qu’ils ont une petite maison de famille dans la montagne. Et que si on veut, on peut aller y passer un jour ou deux pour découvrir « el bosque » (la forêt). Nous voyons la fin de notre séjour approcher à une vitesse affolante, et nous qui pensions nous ennuyer, voilà que si ça continue nous n’allons pas réussir à faire tout ce qu’on nous propose… Enfin nous verrons bien, la suite au prochain épisode !



Peut-être aussi qu’on a juste eu un gros coup de chance de s’être arrêtés là, entourés de bonnes personnes qui prennent plaisir à discuter avec ces Français un peu « locos » (fous), qui font eux-mêmes l’école à leurs enfants (un truc impensable ici), tout en faisant le tour de l’Amérique du sud. Et qui semblent ne rien avoir d’autre à faire, le reste du temps, que de se balader en moto-taxi, ou à pied dans le village, au port, sur la plage, d’aller chez le coiffeur, au marché, à l’épicerie du coin, ou de papoter avec l’Indien qui tient la boutique ethnique sur le malecon. 



Et voilà que maintenant, depuis deux ou trois jours, on nous apprend qu’il y a des maisons et des terrains à vendre, et qu’on ne trouvera jamais un meilleur endroit pour s’installer… Anémone est partante à fond, déjà elle est sûre de revenir ici tous les ans, pour aider son copain Darwin (et son fils Mathias!) à tenir l’hôtel.

En tous les cas, ce qui est sûr, c’est qu’il ne faut pas qu’on reste ici trop longtemps, sinon on ne réussira jamais à repartir !   



samedi 23 janvier 2016

balade autour de Puerto Lopez Albert N°20


Maintenant cela fait trois semaines qu’on vit à Puerto Lopez, en Equateur, à l’hôtel Sol Inn. On doit partir dans une semaine, mais moi j’aurais voulu rester plus longtemps. Ici on peut jouer au billard autant qu’on veut, et tous les jours je joue aussi au foot sur la plage avec mon père, je me baigne avec ma mère et je glisse sur les vagues avec ma planche. Hier on a trouvé un grand dauphin mort sur la plage, et on a pris ses dents pour se faire un collier pour plus tard. En attendant on les a mises à tremper dans de l’eau de Javel parce que ça sentait plutôt mauvais ! Sur cette plage il y avait aussi une sangle tendue entre deux poteaux pour faire le funambule.


Je continue à faire des progrès aux échecs, je joue contre la machine sur l’ordinateur, pour l’instant ni moi ni mon père n’avons encore réussi à la battre, on espère réussir au moins une fois avant de rentrer ! Le soir j’aime bien aller dans le bureau avec Darwin, le patron de l’hôtel, et je peux passer les chanteurs que j’aime. Presque tous les soirs on fait écouter Kendji Jirac et Soprano à tout l’hôtel. Surtout « Les yeux de la mama » de Kendji, et « Clown » et « Millionnaire » de Soprano.

Pour écouter le tube préféré d'Albert en ce moment, cliquez sur l'image

Dimanche dernier on est partis dans la forêt tropicale humide pendant deux jours, avec un guide qui s’appelle Gaston. Il est guide dans sa communauté; mais le reste du temps il ramasse les noix de palme dans la forêt, encore appelées "ivoire végétale".


Le premier matin il nous a fait visiter les champs de sa famille. Avec sa machette il a coupé un ananas qu’on a mangé aussitôt. 


Avec les petites pousses qu’il y avait dessus, qui s’appellent « les fils de l’ananas » (los hijos de la piña, en espagnol), on en a replanté 4. Parce qu’un pied d’ananas ne donne qu’un seul fruit, et qu’il faut en replanter chaque fois qu’on en coupe un. 









Nos plantations d'ananas
Il nous a aussi fait goûter de la canne à sucre. Ils font aussi pousser une plante qui s’appelle Aloe Vera, une sorte de cactus avec un liquide très collant à l’intérieur, et on s’en met sur la peau contre les piqures de moustique.

Aloe Vera

Ensuite on a mangé avec toute sa famille, et après on a préparé les chevaux. Gaston leur a mis une selle, puis deux gros sacs avec toutes les affaires pour deux jours. Je me suis installé entre les deux gros sacs, puis on est partis pour une grande randonnée qui a duré tout l’après-midi.

Le Bédouin

Le soir on a monté les tentes. Parfois on s’arrêtait et on partait pour essayer de voir les singes qu’on entendait crier partout autour de nous, mais cette fois-là on n’a pas réussi à en voir. 

Drôle de singe

Après Gaston a fait la cuisine sur le feu de bois, et on a même eu un chocolat chaud en dessert. La fumée du feu nous protégeait aussi des moustiques. J’étais tellement fatigué que je me suis endormi sur les genoux de mon père ! Les trois gars ont dormi dans une tente, et Anémone et ma mère dans l’autre. 


Pendant la nuit une sorte de sanglier est venu tout près, attiré par la nourriture. Heureusement Gaston l’avait suspendue à un arbre avec une corde, et il ne nous a rien volé.
Le lendemain on est repartis de bonne heure. On est arrivés dans la forêt tropicale sèche, où il faisait très chaud et avec beaucoup de moustiques. Au début, quand on était encore dans la forêt humide, on a vu de grands singes dans les arbres, et Gaston imitait leur cri tout en coupant des arbres avec sa machette. C’était pour provoquer le grand mâle, et qu’il lui réponde. 






Ensuite on a vu de grands trous au bord du chemin, faits par des gens qui viennent déterrer des abeilles qui vivent dans la terre et qui font du miel qui coûte très cher.

Au bout de cinq heures de marche, car le lendemain on n’avait plus les chevaux, on est arrivés à Agua Blanca, le village de l’autre côté de la forêt. Là on a mangé et on s’est baignés. Les filles se sont barbouillées de boue.





Puis on a marché encore sur une piste en terre, et là Gaston a trouvé un copain qui nous a ramenés à Puerto Lopez dans sa voiture. Heureusement, parce qu’il restait encore au moins dix kilomètres, et il faisait vraiment très chaud !