En 2016 on est à l’aise, à Puerto Lopez ! Bientôt quatre semaines qu’on y traîne, du
matin au soir à peine plus vêtus que les pélicans qui se dandinent sur la
plage… Pourtant, comme dit Anémone, malgré les apparences on n’est déjà plus
des touristes. Non, on est des voyageurs. Une idée qui se défend... Ici les
touristes arrivent avec un programme tout programmé, qu’ils exécutent avec
comme objectif de ne pas se faire arnaquer, et puis ils s’en vont vers leur
prochain programme. Vu que le temps leur est compté, ils essayent de voir le
maximum de choses en un minimum de temps. Pas inintéressant, mais très
fatigant ! Le voyageur, lui, n’a pas vraiment de programme, mais par
contre il a du temps, ce qui en général finit par lui donner, croit-il, une
certaine proximité avec les gens du coin. Au moins l’impression, pendant
quelques semaines, de faire un peu partie du paysage. C’est tellement agréable,
dans un pays étranger, de croiser des visages connus dans la rue, et d’échanger
quelques mots…
Il faut dire qu’Anémone, question touristes, elle
commence à en connaître un rayon ! Ce n’est pas très étonnant, au vu de la
quantité d’hôtels et de lieux touristiques qu’on a fréquentés depuis bientôt
six mois. Mais ici elle est aux premières loges, et même en formation
intensive, parce qu’elle commence à faire partie du personnel, et à voir les
choses de l’autre côté de la barrière. Depuis la loge, justement.
Tous les
soirs elle squatte le bureau de l’hôtel, avec Alandi, un jeune du quartier qui
vient donner un coup de main, en échange d’avoir accès à l’ordinateur.
Darwin,
le boss, amusé, les laisse faire la programmation musicale entre deux parties
de billard, et assurer l’accueil des touristes. Rarement en français, très
approximativement en anglais, presque toujours en espagnol. Ici tous les
touristes, même américains, se débrouillent en espagnol (de toutes façons à
Puerto Lopez tout le monde ne parle que trois mots d’anglais…).
Il y a les backpackers (les routards), qui choisissent
la tente ou le dormitorio (le petit dortoir), à 5 ou 6 dollars par personne. Il
y a ceux qui prennent la chambre avec baño compartido (salle de bain partagée),
à 8 dollars la nuit. Puis ça monte à 10 dollars pour le baño privado. Et puis
il y a la « suite », c’est-à-dire le petit appartement sur deux
niveaux avec cuisine, où nous trônons au milieu de la cour au-dessus des
sanitaires, au frais dans le feuillage des palmiers, et que Darwin nous laisse
pour un mois au prix du dormitorio. Moyenne d’âge entre 25 et 30, beaucoup d’Argentins
toujours très bruyants, pas mal d’Européens aussi, souvent des étudiants qui
vivent à Quito et qui viennent prendre quelques jours de vacance sur la côte.
Et plein d’Equatoriens, parfois touristes, mais la plupart du temps des gens du
village qui viennent faire une bricole, vendre des fruits, ou tout simplement
discuter de longs moments avec Darwin, au frais sur les canapés ou dans les
hamacs…
Anémone nous tient au courant des arrivées et des
départs, des nationalités des uns et des autres, de leurs histoires, des lieux
qu’ils ont visités aux alentours. Forcément j’ai arrêté les cours d’espagnol,
et si ça continue c’est elle qui va devenir le prof ! Quant à Albert, la
couleur de sa peau ressemble de plus en plus à celle de ses collègues
footballeurs aux pieds nus. Et quand il ne s’endurcit pas la corne sur la
plage, il progresse à grands pas au billard et aux échecs, attendant
impatiemment de nouveaux arrivants pour se mesurer à eux.
Le reste du temps il essaye de placer ses chanteurs préférés. Heureusement que Darwin résiste un peu, sinon Kendji Jirac et Maître Gims auraient mangé tout cru la Mano Negra, Bob Marley et la salsa !
Le reste du temps il essaye de placer ses chanteurs préférés. Heureusement que Darwin résiste un peu, sinon Kendji Jirac et Maître Gims auraient mangé tout cru la Mano Negra, Bob Marley et la salsa !
Au début on a un peu craint de s’ennuyer. Mais seulement
au début ! Parce que très vite on s’est refait embarquer dans notre petite
routine : cours le matin, pêche-plage l’après-midi. Et qu’ensuite le
rythme de vie du village nous a insensiblement gagnés.
En simplifiant beaucoup on peut dire que les gens d’ici se lèvent très tôt, ou même travaillent de nuit comme les pêcheurs. Ensuite ils passent une partie de l’après-midi dans les hamacs, sous des auvents au bord du trottoir.
Puis, à la tombée de la nuit, vers 19 heures, la musique envahit progressivement les rues : crooners équatoriens à un coin de la rue, salsa colombienne et percussions 20 mètres plus loin, de temps en temps un peu de rock ou de techno, mais toujours avec de plus en plus de décibels à mesure que la nuit s’avance, tout ça jusqu’à 23 heures ou minuit en semaine, et jusqu’à l’aube le week-end.
En simplifiant beaucoup on peut dire que les gens d’ici se lèvent très tôt, ou même travaillent de nuit comme les pêcheurs. Ensuite ils passent une partie de l’après-midi dans les hamacs, sous des auvents au bord du trottoir.
Puis, à la tombée de la nuit, vers 19 heures, la musique envahit progressivement les rues : crooners équatoriens à un coin de la rue, salsa colombienne et percussions 20 mètres plus loin, de temps en temps un peu de rock ou de techno, mais toujours avec de plus en plus de décibels à mesure que la nuit s’avance, tout ça jusqu’à 23 heures ou minuit en semaine, et jusqu’à l’aube le week-end.
Résultat : il nous a fallu 15 jours pour réussir
à «faire», comme on dit, le programme touristique qui dure normalement deux
jours ! Et encore on se garde les 15 jours suivants pour faire le «gros»
programme : la découverte de l’arrière-pays tropical qui se cache dans les
montagnes, domaine des mystérieuses « communautés », comme on dit
ici, c’est-à-dire des descendants des premiers habitants, c’est-à-dire de ceux
qui étaient là avant les Espagnols, c’est-à-dire des Indiens en bon français .
Pourtant, il n’y a pas que le rythme indolent des
habitants et la magie des grandes vagues du Pacifique à nous avoir un peu
scotchés. Incompréhensiblement, peu après notre arrivée, Hélène a commencé à
faire des malaises. Et de plus en plus fréquemment, jusqu’au jour où l’ambulance
est venue la prendre devant l’hôtel pour l’emmener aux urgences du centre de
santé. Ils n’ont rien trouvé, mais cela n’a pas cessé pour autant. Trois jours
plus tard nous voilà partis à l’hôpital de Manta, à deux heures de route. On a
fini par y dénicher une cardiologue à l’écoute et une machine à
électrocardiogramme en état de fonctionnement, mais toujours aucune anomalie. Idem
pour les résultats de la prise de sang.
Diagnostic proposé depuis la
France : malaises vagaux. Pas grave, le plus dangereux étant de se blesser
en tombant, le genre de truc qui s’en va comme il est venu, paraît-il.
Heureusement depuis quelques jours les malaises disparaissent progressivement,
mais elle continue à être essoufflée au moindre effort…
En attendant qu’elle retrouve son cœur de jeune fille,
nous ne quittons pas le village. Et nous n’allons pas le regretter. Finalement
les Equatoriens de la côte ressemblent un peu aux Bretons de la côte, en tous
cas dans leur façon d’aborder les touristes. Au premier abord, ils sont
sympathiques sans être chaleureux. Au bout d’une semaine, ils commencent à vous
demander ce que vous pensez de l’endroit où ils sont nés, et qui est le plus
bel endroit du monde. Et puis au quinzième jour, ils vous apprennent qu’ils ont
une petite maison de famille dans la montagne. Et que si on veut, on peut aller
y passer un jour ou deux pour découvrir « el bosque » (la forêt).
Nous voyons la fin de notre séjour approcher à une vitesse affolante, et nous
qui pensions nous ennuyer, voilà que si ça continue nous n’allons pas réussir à
faire tout ce qu’on nous propose… Enfin nous verrons bien, la suite au prochain
épisode !
Peut-être aussi qu’on a juste eu un gros coup de
chance de s’être arrêtés là, entourés de bonnes personnes qui prennent plaisir
à discuter avec ces Français un peu « locos » (fous), qui font
eux-mêmes l’école à leurs enfants (un truc impensable ici), tout en faisant le
tour de l’Amérique du sud. Et qui semblent ne rien avoir d’autre à faire, le
reste du temps, que de se balader en moto-taxi, ou à pied dans le village, au
port, sur la plage, d’aller chez le coiffeur, au marché, à l’épicerie du coin, ou
de papoter avec l’Indien qui tient la boutique ethnique sur le malecon.
Et voilà que maintenant, depuis deux ou trois jours, on nous apprend qu’il y a des maisons et des terrains à vendre, et qu’on ne trouvera jamais un meilleur endroit pour s’installer… Anémone est partante à fond, déjà elle est sûre de revenir ici tous les ans, pour aider son copain Darwin (et son fils Mathias!) à tenir l’hôtel.
Et voilà que maintenant, depuis deux ou trois jours, on nous apprend qu’il y a des maisons et des terrains à vendre, et qu’on ne trouvera jamais un meilleur endroit pour s’installer… Anémone est partante à fond, déjà elle est sûre de revenir ici tous les ans, pour aider son copain Darwin (et son fils Mathias!) à tenir l’hôtel.
En tous les cas, ce qui est sûr, c’est qu’il ne faut
pas qu’on reste ici trop longtemps, sinon on ne réussira jamais à
repartir !