samedi 9 janvier 2016

Puerto Lopez, bananes et poissons crus


Dans le port de Puerto Lopez il y a de grosses barques bleu-ciel qui dansent sur la houle, sous le gros soleil du milieu du monde. 
Le jour, les pêcheurs au ventre rond dorment dans leurs hamacs, sous leurs vérandas couvertes de palmes desséchées, pendant que leurs cousins arpentent le village et même la plage avec leurs moto-taxis, à un demi-dollar la course. Le marché aux poissons lui aussi est sur la plage, entouré de camions qui amènent la glace ou viennent charger le poisson pour l’emmener dans les lointaines villes de l’intérieur, de l’autre côté des montagnes. 








Ici il n’y a pas de fermes, pas d’élevages, à peine si on croise de temps en temps une pauvre biquette. A tel point que la « carne » (la viande), c’est le mot qu’on emploie pour le poisson qu’on ne vend pas et qu’on accroche sur les hameçons en guise d’appât. Une sorte de maquereau, débité en une cinquantaine de petits morceaux, qui permettront de sortir de l’eau presque autant de bars, de dorades et tout un tas d’autres poissons que l’on désigne simplement par leurs couleurs : le pescado rojo (rouge), le pescado amarillo (jaune)…


Quelques-uns, plus entreprenants, pêchent le thon, sur de plus gros bateaux, avec un équipage et sur de plus grandes distances. La plupart s’en vont le soir et voient les Galapagos le lendemain matin, avant de rentrer deux ou trois jours plus tard, mais certains vont pêcher jusqu’à Panama et sont absents plusieurs semaines…



Voilà pour le pain quotidien. Mais le gros casse-croûte, ce n’est pas le thon rouge ni les dorades. Ce ne sont pas non plus les grosses tortues marines qui nagent dans le port, ni les grosses raies qui pullulent sur le sable et qui vous piquent en claquant la queue comme des scorpions. Non, ici le gros business, c’est les baleines à bosse. De juillet à septembre, elles sont là, tous les ans sans exception, elles sautent et soufflent à quelques kilomètres à peine de la côte. C’est comme ça que le monde entier connaît Puerto Lopez, et que Puerto Lopez connaît le monde entier. Les hôtels, les barques de pêche et les vedettes spécialisées se remplissent alors à ras-bord, et c’est vrai que le spectacle semble inoubliable, de voir ces grosses bêtes jaillir hors de l’eau, avant de retomber sur le dos en un majuscule éclaboussement.


Sauf que là, on est au mois de janvier, il a beau faire très chaud mais la plage est déserte, et tout le monde semble un peu se demander pourquoi on a décidé de rester un mois ici.




 D’abord on a quand même les baleines, un peu. Un grand squelette au bout de la plage, une grosse sculpture-fontaine au milieu de la place, sans compter quelques fresques et plein de photos sur les vitrines des agences. C’est déjà pas si mal, et puis surtout on n’est pas venu ici pour les baleines.




 On cherchait un village de pêcheurs pour se poser quelques semaines au bord du Pacifique, et ce petit coin semblait à peu près correspondre. Comme presque toujours depuis notre départ, la réalité ne ressemble pas du tout à ce qu’on imaginait, surtout qu’on a débarqué entre Noël et le Premier de l’An. Et ça a été chaud, très chaud, jusqu’au 2 janvier : musique à fond jusqu’au petit matin à des volumes inimaginables chez nous, plage bondée du matin au soir et même la nuit, voitures et motos emplissant les rues, feux d’artifice en continu toute la nuit, alcool à gogo, feux de camp au milieu de la rue… 




Et puis ça s’est calmé d’un coup, le dimanche soir tous les touristes équatoriens sont rentrés chez eux, et le lendemain matin de nouveau on avait la plage (presque) pour nous tous seuls ! De nouveau les enfants avec leurs beaux uniformes sont retournés à l’école, les pêcheurs sont remontés sur leurs bateaux, et on s’est retrouvés presque étonnés de s’endormir sans les vibrations des enceintes pour nous bercer jusqu’au petit matin…




Comme les grandes vagues du Pacifique, les touristes affluent puis refluent. Mais qu’ils soient là ou pas la vie ne va pas plus vite. Il y a juste un peu plus de chaises et de tables vides dans les restaurants quand ils s’en vont, et les quelques transats de la plage qui donnaient au village un faux air de station balnéaire, ont été remisés jusqu’à la saison des baleines.
A l’hôtel on commence à faire partie du paysage. Cela fait deux semaines qu’on est installés en plein milieu de cet endroit étonnant, dans un petit appartement sur deux niveaux au-dessus des sanitaires, une sorte de donjon en bambou qui monte jusqu’aux premières feuilles des palmiers.




 Anémone s’est faite copine avec le fils du patron, Mathias, qui dans quelques jours retournera en Suisse où il vit avec sa mère en dehors des vacances scolaires. En attendant il l’emmène découvrir les montagnes sur sa moto, et pour faire bonne mesure il apprend à son père et à son frère comment pêcher comme les gens du coin, depuis la plage. 


Drôle de sensation de s’avancer dans les vagues jusqu’à la ceinture, de faire tournoyer le plomb au-dessus de sa tête, avant de le lancer le plus loin possible, au-delà des rouleaux. Après des après-midis à s’emmêler les pieds dans le fil, on commence avec Albert à sortir nos premiers poissons. Une espèce de poisson-chat, et un poisson porc-épic au gros ventre, qui fait de drôles de bruits avec sa bouche quand on le sort de l’eau. 


On les montre aux pêcheurs qui nous fournissent en «carne». Ils sourient gentiment. Non comestibles. Mais on est fiers quand même de les étonner un brin, ils pensaient qu’on n’aurait jamais réussi à en prendre un !
Quant à Hélène elle se fait copine avec le marchand de fruits et légumes du marché. 15 bananes pour 1 dollar, des ananas, des avocats, des mangues, des tomates, des citrons verts, de la coriandre… Depuis qu’on est partis on n’a jamais aussi bien mangé, sans compter le poisson frais qu’on cuit dans le citron avec des oignons rouges, à la mode du pays.
Et qu’est-ce qu’on fait demain ? Ben… la même chose qu’hier, peut-être ?




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire