jeudi 12 novembre 2015

Coroïco !

A force de vivre à plus de 3000 mètres, j’en étais venue à penser que c’était normal. Je m’imaginais que seule la mer pouvait s’apparenter à une terre du bas. Or, j’ai découvert lundi dernier que les montagnes avaient des niveaux inférieurs et que l’on pouvait y descendre… (les voyages ça rend neuh-neuh !). 
C’est toujours les montagnes, mais ça ne ressemble plus du tout aux paysages qui nous entourent depuis trois mois. Ce n’est plus du tout le même climat. Il fait chaud et humide. La végétation est tropicale. Bref c’est la jungle. Ca m’a rappelé les forêts de Côte d’Ivoire ou du Togo.
Pas étonnant que la communauté afro-bolivienne ait élu domicile dans cette région des Yungas où les Andes et l’Amazonie se rejoignent.

les banquettes de devant c'est mieux pour les jambes!
A 9H30, nous avons réussi à attraper un mini-bus à la parada de la Villa Fatima pour la ville de Coroïco, située à 1525 mètres d’altitude. Il y a 10 ans, il fallait obligatoirement emprunter « la Route de la Mort » pour s’y rendre. 

pas besoin de légende
Avec une moyenne de 300 voyageurs tués par an, elle était  connue comme la route la plus dangereuse du monde. Pour parer à la multitude d’accidents, une autre route bitumée et sécurisée a été tracée avec des ponts et des tunnels. Aujourd’hui, seuls les bickers venus du monde entier s’élancent en VTT sur l’ancienne voie, en quête de frisson.


Ils font la descente et reviennent à La Paz
Sitôt quittée La Paz, le van s'essouffle à monter jusqu'au col de la Cumbre, situé à 4800 mètres. Là, nous entrons dans d'épais nuages chargés de pluies. C'est l'Islande.


Pas un animal...

Plus nous descendons au fond de la vallée, et plus la végétation  explose : lianes, fougères, cascades, bananiers .



Après 2H00 de route, nous arrivons sous le soleil sur la place de Coroïco. 


Sans perdre de temps, nous filons à l’office des guides avant la fermeture, pour connaître leurs propositions de visite. Nous optons pour visiter dès l’après-midi le village de Tocana. 


Souhaitant poser nos sacs, nous visitons quelques hôtels. C’est la grosse déception : soit c’est super luxe à plus de 15 euros la nuit par personne, soit c’est à 5 euros, mais alors c’est super sale et pourtant je ne suis pas une chochotte !
Au regard des endroits où l'on a pu dormir depuis trois mois, nous avons la nette impression que les hôteliers de Coroïco ne font aucun effort pour rendre au minima agréable le souvenir qu’en garderont les touristes qui y passeront la nuit.
Ne trouvant rien, et pour ne pas commencer à s’énerver, nous décidons d’une part de manger, et d’autre part de reporter notre quête d’un logement à la soirée. Nous laisserons nos sacs dans le taxi qui nous conduira au village.
Daniel sera notre guide. Marié à une afro-bolivienne, il connaît bien l’histoire de cette communauté et, cerise sur le gâteau, c’est un naturaliste hors pair.
 
Cette belle personne n'est pas la femme de Daniel


Alors, je vous raconte. Pendant la colonisation espagnole, des milliers d'esclaves noirs en provenance de l'Angola et du Congo sont amenés au Haut-Pérou (Ex Bolivie). Ils travaillent d'abord à Potosi (la plus importante ville de l'Amérique Latine à cette époque), dans les mines d'argent. Ces mines qui ont fait la fortune de l'empire espagnol.
Mais la population noire ne s’adapte pas au climat et à l’altitude élevée de la ville (tu m’étonnes !!) et il y a une forte mortalité.
Ils sont alors vendus et transportés dans les Yungas (vallées) pour travailler au champs, notamment dans les champs de coca et de coton.




champs de coca


Après le décret d'abolition de l'esclavage, la situation ne changera pas beaucoup pour eux. Ils travailleront comme Bongos en offrant 5 jours de leur travail dans les champs pour continuer à vivre sur leur terre. Il faudra attendre 1953(!) pour qu'il y ait enfin l'abolition du "pengueaje" et du "matinale". Ils auront enfin accès aux terres sur lesquelles ils vivent aujourd'hui, même si pour la plupart c'était sans titre foncier.


Tout change avec Evo Morales, 1er président d'origine indienne. il créé en 2009 une constitution pluri-ethnique dans laquelle les Noirs sont enfin reconnus. la communauté afro-bolivienne a désormais ses terres et l'autonomie pour gérer ses affaires. Elle a également son roi.

Le roi actuel
Don Julio Pinedo, Roi de la communauté afro-bolivienne, est un descendant direct du premier roi congolais, Uchicho, venu par erreur en tant qu’esclave. Couronné monarque en 1992, sa figure institutionnelle est aujourd’hui reconnue par la Constitution Bolivienne et par les Nations Unies.

Toccata
 Nous ne verrons pas beaucoup de monde durant la visite de Tocana. Les adultes sont en journée et en semaine occupés aux travaux des champs ou dans les mines d’or.


 Mais la balade sera sympa. Daniel nous invite à deviner, en froissant des feuilles et en les humant, l’arbre, le fruit ou l’herbe dont elles proviennent. C’est amusant et instructif ! 

Du café
On en a plein le nez et plein les mirettes. La végétation luxuriante de Tocana offre toutes sortes d'arbres fruitiers, plantés (ou pas) ça et là. Rien n’est organisé. On passe de la mandarine à la banane (il y en au moins 5 sortes), au citron doux, au café, au cacao, à l’avocat, à l’orange, au cédra, et je vous passe les plantes aromatiques et médicinales. 

Bananes
Daniel nous a même appris à fabriquer du shampoing en malaxant deux herbes entre elles. Super pratique, si on est un jour perdu en pleine jungle !


Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons chez un gars qui a réalisé ses études d’anthropologie sur le village de Tocana et qui y est finalement resté. Nous visionnons chez lui un petit documentaire sur le sujet dans lequel il apparaît en pleine jeunesse. 


Puis, après un p’tit verre nous reprenons la route pour Coroïco. Il est 18 heures. Daniel, nous conduit jusqu’à une maison qui propose des habitaciones (chambres). La rue est si pentue qu’il est évident que jamais nous nous y serions aventurés. Rue pentue = belle vue.
La vista est magnifique. Nous dominons toute la vallée et apercevons le village de Tocana où nous étions il y a quelques minutes. 


Les chambres sont minimalistes, mais les lits sont confortables. On accepte, pour 40 Bolivianos par personne. Le jardin de la maison est encombré d’arbres fruitiers. 

Nos deux chambres (enfin leurs portes)
Les enfants s’amusent à le descendre accompagnés des trois clébards. Moi, je ne descends que si je suis obligée. La remontée me fait peur.
Celle qui nous attend pour revenir sur la place centrale du village sera en effet "costaude". 
c'est pire que sur cette photo
En plus, la rue est pavée et ça glisse. Heureusement, notre respiration est beaucoup plus aisée à cette altitude qu’à La Paz. C’est bon l’oxygène !

Rue de Coroïco
En nous promenant dans les rues, les enfants découvrent un petit resto proposant une carte de fondue et raclette !!! Il propose également un goulash qui persuade définitivement Bertrand de dîner dans ce restaurant nommé « La casa ». Le propriétaire, un bolivien marié à une allemande, partage sa vie entre Coroïco et Dusseldorf, dans l’attente de vendre son affaire.


Nous passons une bonne soirée autour d’une fondue bourguignonne, et Bertrand d’un goulash. 
Le soir sur la terrasse de notre auberge, nous découvrons, tout étonnés, des vers luisants volants… 


C’est joli. C’est magique. C’est Ray ! Le ver luisant cajun de « la princesse et la grenouille ».

Dommage que les nôtres ne chantent pas!
Le lendemain matin, je suis réveillée par des bruits bizarres. On dirait des coups de marteau. Quand je sors, je suis face à face avec un drôle d’oiseau au plumage aussi disgracieux que son chant. Je le chasse.
La vue est magnifique……ment bouchée.


Les pieds sur terre et la tête dans les nuages !




Il n’y a pas de possibilité de prendre le petit-déjeuner à l’hostal. Il faut le prendre au village. Il faut monter la rue… Monter, monter, monter, toujours monter. Grrr !
Je réveille les enfants doucement car ils dorment à poings fermés.





Pas de lait au marché central. Nous nous rabattons donc dans une pâtisserie pour touristes. C’est cher mais c’est bon. Bertrand souhaite rencontrer un apiculteur. Malheureusement Daniel, qui nous a rejoint sur la place centrale, nous apprend que cela ne pourra se faire. L’homme est indisponible. 
Nous décidons donc de descendre aux « Los Vagantes ».


C’est un endroit où nous pouvons nous baigner. Il y a également la possibilité d’y faire du canyoning. En effet, il y a du courant ! 

Il y en a tellement que je nage en faisant du surplace et que je n’ose lâcher la main d’Albert de peur qu’il soit emporté par les eaux. 

Ce qui est chouette, ce sont les centaines de papillons qui volent autour de nous. Il y en a de toutes les tailles et de toutes les couleurs. Ils sont superbes. Ils sont gracieux. 


Cependant, leur choix de terrain d’atterrissage me laisse supposer que les papillons sont certes de beaux animaux mais tout de même un peu cracra. 


Les chaussures d’Albert et les couche-culottes ont un point commun : l’odeur ! C’est un fait, les papillons aiment les mauvaises odeurs.


Il est 14 heures et nous décidons de rentrer pour la soirée à La Paz. 


Nous ferons le trajet en sens inverse et les mêmes phénomènes météorologiques se produiront : chaud, brouillard, nuage, pluie et froid. Nous passerons de la forêt tropicale à l'Altiplano en seulement une heure. 



C’est bien de savoir ce qui existe au niveau inférieur. Cela rassure. On peut monter, mais on peut toujours descendre. Et c’est pas moins mieux.

"La vie est comme une montagne russe. Il y a des hauts et des bas, mais c'est toi qui décides si tu cries ou si tu profites du voyage"




1 commentaire:

  1. J'adore!
    En Colombie, on appelle les lucioles "cocuyos", le soir où j'en ai vues, j'ai trouvé cela magique. La jungle tropicale, j'adore.
    Je vous embrasse.

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