samedi 26 septembre 2015

Grand voyage et petite routine



Depuis le départ nous alternons des moments de nomadisme avec des périodes plus sédentaires, donc plus routinières, comme ces deux semaines que nous venons de passer à Humahuaca. Mais la routine, dans le voyage, ça a du bon ! C’est même indispensable pour qui veut un peu rencontrer les habitants.
Justement, ça tombe bien, l’endroit où nous nous sommes posés se nomme «Tantanakuy Huasi», ce qui veut dire «Maison de la rencontre» en Quechua. 

La casa Tantanakuy
Et en effet, autour des quelques chambres d’hôtes, il y a plusieurs salles qui accueillent du cinéma, du théâtre, des ateliers de musique et de tissage, une bibliothèque… tout cela pour favoriser le développement et la transmission de la culture aborigène.

Processions quotidienne le jour, pétards la nuit
A vrai dire, pour le moment, on a surtout perçu le côté festif (très festif, même!), de la culture aborigène… Et c’est donc les yeux un peu cernés que j’émerge parfois le matin, dans la cour, à moitié aveuglé par la lumière crue d’un soleil qui vient d’apparaître au-dessus des montagnes, dans un ciel toujours bleu…

Blue Sky
Le temps que je traverse la rue pour aller acheter du pain et des oranges à l’épicerie, ...


...les montagnes sont déjà passées du gris au bleu-orangé.

La rue face à la casa
Mais quand je ressors elles ont déjà viré au marron-rose, la même couleur que la terre déjà poussiéreuse sur laquelle je marche : ici la rosée est un phénomène inconnu, un mot intraduisible! Le vent et la nuit n’ont laissé que quelques sacs en plastique supplémentaires, accrochés aux épines des arbustes qui bordent le petit terrain vague d’à côté.



La fille de l’épicière est gentille et matinale, on s’amuse chaque jour à essayer d’améliorer ma prononciation de la «jota», ce son impossible qui fait qu’on ne dit pas (rou)go, (jugo, c’est le jus), mais (roucoulement légèrement guttural)go… De jour en jour je sens une légère mais nette amélioration, et puis au moins on rigole un peu pour commencer la journée, c’est toujours ça de pris !
Après les rituels du petit déjeuner et de la toilette, commence celui des cours.






Anémone est en sixième avec papa dans la salle commune, pendant qu’Albert est en CE1 avec maman dans une des deux chambres. A la fin on fait un peu d’espagnol, ils s’amuseront à le mettre en pratique pendant l’après-midi. A 13 heures au plus tard les crayons sont rangés et les trousses sont refermées. Ils peuvent aller se défouler dans la rue, se mêlant aux enfants du quartier qui eux aussi sortent de l’école, avec leurs blouses sous leurs manteaux pour les filles, sous leurs vestes de jogging et leurs casquettes pour les garçons.
Si on décide de faire la cuisine sur place, on ne ressortira pas avant 16 ou 17 heures, comme les gens du quartier. Après-manger, avec Hélène on passera un peu de temps sur le blog, ou à préparer notre prochaine étape ou à se reposer. Pendant ce temps les enfants partent explorer le quartier (la première semaine), puis maintenant carrément toute la (petite) ville, où ils commencent à être connus comme le loup… blanc, vu que des enfants blancs, il n’y en a pour ainsi dire aucun, et pas un seul c’est sûr à se balader seul dans la rue !
Hier ils sont partis avec 50 pesos (3€) en poche, en se donnant la mission de trouver du vrai café pour nous, et une étoffe brodée avec les 4 symboles eau-terre-feu-air, pour Anémone .
Ils sont restés absents plus d’une heure, avant de revenir bredouilles, mais tout excités, et il faut dire qu’il y avait de quoi : ils ont découvert une «plaine de cactus» à moins de 300m d’ici, ainsi que deux nouvelles micro-épiceries-tenues-par-des-mémés-super-gentilles, puis ils ont marché jusqu’à la gare routière en traversant les deux marchés, et finalement ils se sont achetés une bouteille de soda pour étancher leur soif dans une des petites cantines où l’on mange de temps en temps ! Pas mal pour des niños gringos au pays des Indiens!
Parfois aussi on descend déjeuner en ville, par exemple chez Flavio, qui tient «El Cardon» (le cactus), un resto à l’enseigne défraîchie, juste à côté du marché textile. 

El Cardon

Chez Flavio, c’est 50% de cuisine andine, délicieuse mais limitée (tamales et humitas, et basta!), et 50% de cuisine argentine standard, la même qu’à Buenos Aires, tout aussi limitée mais moins délicieuse (empanadas, poulet-frites, steak à la milanaise…). Et tout cela accompagné de l’inévitable Fanta Orange, peut-être un peu moins toxique quand même que le tristement célèbre Agent Orange !

Avec Flavio
Ce qui est sûr, c’est que notre voyage intrigue beaucoup Flavio. On répond bien volontiers à toutes ses questions, et de son côté il nous raconte avec plaisir les nouvelles du pays, il nous explique les processions, il nous conseille des fêtes locales… bref au bout d’une semaine on est chez lui comme à la maison. 

Chez Flavio
On traîne souvent à table après manger, pendant que les enfants jouent dehors autour du marché : en sirotant un café on écrit des cartes postales, on prépare notre futur séjour en Bolivie…
Ensuite on a toujours quelques courses et des démarches à faire en ville. 

La Poste
Par exemple aller à la Poste (car en Argentine il n’y a pas de boîtes aux lettres), ou bien à la gare routière, pour acheter les billets de notre prochaine excursion vers le désert de sel.


La gare routière
Ah, les gares routières, comme on aime ces endroits ! Il y a toujours plein de monde, ça brasse tous les âges, toutes les races, et presque toutes les classes sociales! Et puis on peut comparer les bus des différentes compagnies, rêver sur le super-bus à deux étages qu’on va peut-être prendre pour aller jusqu’à la frontière bolivienne…



En plus, il y a une incroyable brochette de mamies, habillées comme sur les cartes postales, avec devant chacune d’elles un assortiment à tomber par terre de jus de fruits et de petits gâteaux maison, et à chaque fois, pour 1€ chacun, on achète de quoi se faire un super-super-goûter. On ira se le déguster tranquillement dans le petit parc juste en face, tout plein de jeux pour enfants, sous la protection de «Sainte Evita».




Evita et les enfants
Voilà l’après-midi bien avancé, il est temps d’entamer la lente remontée vers notre perchoir au-dessus de la ville, le nez au vent qui commence à descendre des hauteurs. Et comme aucune rue n’est goudronnée, l’air est vite saturé de poussière ocre. C’est joli dans le soleil, mais ça doit l’être un peu moins dans nos poumons, et c’est sans doute la raison pour laquelle on voit de temps en temps des habitants qui portent des masques. 

La place centrale
Pourtant à cette heure toutes les boutiques sont ouvertes, et les rues commerçantes sont colorées de toutes sortes de tissus déballés le long des trottoirs. 

Le marché coloré
Il y en a toujours une qu’on n’a pas encore faite, on flâne, on chine, mais on évite de trop se charger car le nomadisme, même à mi-temps, nécessite de voyager léger!
Aujourd’hui on traîne moins que de coutume, car on a rendez-vous avec Mr Ramoneda, le fils d’un des grands peintres argentins du siècle dernier, qui curieusement a 
passé ici toute la seconde partie de sa vie.


Chez Monsieur Ramoneda
On pénètre dans le magnifique patio d’une antique maison coloniale, avec son puits en pierre, conservée «dans son jus» depuis près de deux siècles. Mr Ramoneda, un monsieur déjà très âgé, a dédié trois des pièces de la grande maison aux œuvres de son père, une bonne cinquantaine de toiles et de dessins, qu’il nous commente une à une. C’est un moment très émouvant, complètement hors du temps, on navigue une centaine d’années en arrière, à faire des allers et retours entre les cafés artistiques de Buenos Aires, et la vie quotidienne des indiens au milieu des années 1930, magnifiquement portraitisés par l’artiste.
C’est étonnant aussi de voir qu’aucun système de surveillance ne protège ces tableaux, alors que certains reviennent tout juste des plus prestigieux musées de la capitale. Ici, deux planches appuyées contre la porte d’entrée servent de verrou, depuis au moins 50 ans!  Magie de cette ville qui nous paraît si différente, alors qu’on devrait juste trouver cela normal…

L'enseigne du salon de coiffure
On quitte Mr Ramoneda pour rentrer chez son voisin, le coiffeur, qui doit s’occuper de moi. 


Le salon de coiffure
Là aussi, sur les murs il y a des images, mais pas tout à fait les mêmes : des posters de pin-up, exactement de la même époque que l’ensemble du mobilier, c’est-à-dire fin des années 1970-début des années 1980, décorent la pièce. 


La pin up de 1989
Albert est particulièrement sensible à celle qui pose avec un maillot de Boca Juniors… Je ressors avec une super coupe de cheveux, tout à fait moderne, totalement en contraste avec le lieu. 


Un artiste, ce vieil indien chauve à lunettes, et à la main qui ne tremble pas !
On continue à remonter, toujours face au vent qui va en se renforçant. Quand on longe le monumental Monument de l’Indépendance, dominant la ville du sommet de sa colline artificielle, on sait qu’on aborde la dernière partie du parcours, mais pas la plus facile. 


Monument de l'indépendance
Finis les pavés et finies les pentes douces, ça grimpe dur jusqu’à la maison! Et à plus de 3000 mètres, même au bout de 15 jours et un taux de globules rouges au top, on arrive toujours à bout de souffle, sauf les enfants évidemment qui nous narguent en grimpant en courant…



Heureusement il y a nos quelques épiceries habituelles qui jalonnent la montée, au moins une tous les 50m, et on s’arrêtera bien trois ou quatre fois : dans l’une pour les fruits et légumes, dans l’autre pour l’eau, le chocolat en poudre et le dentifrice, dans une autre enfin pour le lait et les yaourts…
Le soir, après dîner, on commence à prendre l’habitude de discuter sous la lune avec Gaston (prononcer Gastone), le gars qui occupe la chambre voisine de celle des enfants, un jeune pédiatre en poste pour trois mois dans le petit hôpital de la ville. Il vient de Rosario, une ville pas très loin de Buenos Aires, soit près de 1500 km au volant de sa petite Ford K! C’est un grand voyageur, il connaît parfaitement toute l’Amérique latine, jusqu’à Cuba et au Mexique. Et comme il vient découvrir l’Europe cet hiver, on s’échange des adresses et des bons plans. Il nous ouvre de nouvelles perspectives pour la traversée du Brésil, qu’on pourrait effectuer en grande partie sur un des bateaux qui descendent le fleuve Amazone, depuis Manaus… Mais c’est une autre histoire!

Demain aussi en sera une, car ce sera samedi, et le samedi on casse la routine! On a prévu d’aller à la découverte des Salinas Grandes, un désert de sel perché à 4 OOO mètres d’altitude.


On est donc de bon matin à la gare routière. Aujourd’hui on voyage avec «EVELIA», une compagnie moyenne gamme : ses bus sont beaux mais n’ont qu’un seul niveau, alors que chez les compagnies plus luxueuses il y en a deux, celui du bas accueillant une trentaine de sièges-couchettes qui font rêver les enfants. Moins glamour, pour commémorer l’anniversaire de la mort du fondateur de la compagnie, des petits cadres avec une cravate noire sur fond blanc décorent les bureaux.
Bercé par le car
On est bien placés, au deuxième rang. Juste derrière le chauffeur au costume impeccable, s’installe un jeune métis «rastaméricano», avec sa flûte de pan et son charango (toute petite guitare 10 cordes). On aura droit à un petit concert pendant les trente premiers kilomètres, plutôt bien fait.  A la fin de chaque morceau tous les voyageurs, des locaux pour leur immense majorité, applaudissent consciencieusement. Puis le gars passe faire la manche avec son bonnet, et là encore tout le monde participe, même si ce n’est que pour un ou deux pesos…



Le car fait un crochet pour nous déposer à Purmamarca, avant de continuer vers Jujuy, la capitale de la province.
Purmamarca est un gros village hyper-touristique, grâce à une jolie montagne (dite «des 7 couleurs»), d’une part, et d’autre part parce que c’est le point de départ pour les Salinas Grandes. Au cœur du village des chauffeurs de minibus rabattent les touristes, et quand ils ont réussi à en trouver 15 pour remplir leur véhicule, en route! On fera le voyage dans un Renault plutôt récent,...


Même la municipalité roule en R12

... avec une dizaine de jeunes gens aisés venus de Buenos Aires découvrir le «Norte Argentino». La route est évidemment somptueuse. On passe un col à 4 500m, avant de redescendre un peu et, très vite, d’apercevoir une immensité blanche, toute plate au milieu des montagnes : le Salar.


Plutôt que de dire des bêtises, laissons nous guider par le guide (du Routard) : «…les conditions sont toutes réunies pour engendrer ce phénomène géologique : de hautes montagnes captent les pluies, une forte activité volcanique charge en minéraux ces eaux de ruissellement, et les fait remonter à la surface d’un haut plateau sous forme de lagune. 


Ajoutons une bonne évaporation due à la chaleur tropicale, et on obtient un désert de sel, un salar. De ces «lacs de sel», on extrait principalement du salpêtre, de l’iode, du magnésium, du chlorure de sodium (du sel, quoi !), mais aussi du lithium, élément indispensable aux batteries qui équipent notamment vos ordinateurs et téléphones portables… C’est dire si les grandes sociétés minières mettent tous les moyens en œuvre pour en obtenir l’exploitation(…). A droite de la route, une maison..



A y bien regarder, les murs sont en sel. Tout autour, l’exploitation, avec ses ouvriers empaquetés dans des étoffes pour se protéger de la réverbération. Avec aussi ses alignements de bassins emplis d’une eau qui prend de beaux reflets bleus.»



Rien à ajouter, sinon qu’on s’est bien amusés avec l’appareil photo, et qu’Albert a réussi je ne sais comment à décrocher une plaque de sel, joli butin qu’on ramène précieusement dans notre sac à dos !

mercredi 23 septembre 2015

Iruya Albert N°7


Cette semaine, on a pris un bus pour aller à Iruya. C’est un village perché dans la montagne. Ce qui est très drôle, c’est qu’au-dessus du village, tout en haut de la montagne, il y a écrit avec des grosses pierres blanches « Benvenidos à Iruya » (bienvenue à Iruya !).


A droite sur le mur.


On a trouvé un hôtel et le premier réflexe de mon père a été d’ouvrir à fond le robinet du bidet. Résultat, il s’est pris un gros jet d’eau en pleine figure !


Les Argentins raffolent des bidets
On a vu des condors passer tout près de nous. Ce sont les plus grands oiseaux du monde, ils font environ 4 mètre d’un bout à l’autre de leurs ailes. 


Voyez le bout de leurs ailes!





Majestueux!
Ensuite on a rencontré des françaises qui cherchaient à voir des condors et qui n’ont pas réussi. Elles étaient un peu dégoutées quand on leur a dit qu’on en avait vu de tout près !




Ici, à Humahuaca, tous les jours à midi, une fenêtre s’ouvre sur le côté de l’église et il y a une statue de saint François qui apparaît et qui bénit la foule rassemblée sur la place. Après la bénédiction on a dégusté une spécialité du village, le « frutilla con crema ».


10 pesos sur le mur en face d l'Eglise

C’est un verre en plastique avec dedans des fraises et du jus de fraise, recouvert d’une crème chantilly. C’est délicieux !


Mucho rico !