Nous voici à Salta, capitale du "Noroeste", le farwest argentin, à plus de 1500 km de Buenos Aires.
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Salta vue du téléphérique |
Là-bas tout le monde nous parlait de "Salta la Linda" (Salta la Belle), même si presque personne n'y était jamais allé, dans cette lointaine province. Effectivement les Andes, la Bolivie, le Chili, les Indiens, autant de choses auxquelles la capitale argentine tourne le dos depuis des siècles.
On a prévu de ne rester que deux ou trois jours à Salta. C'est un peu notre camp de base, nous y débarquons de l'aéroport avec l'idée de trouver une voiture à louer et de partir à l'aventure une semaine dans la région, réputée somptueuse.
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N'exagère pas, ce n'est pas si moche! |
La ville ne nous déplaît pas, mais ne nous séduit pas non plus. D'un côté on est un peu dans les Andes avec une population beaucoup plus typée, un marché hypercoloré et animé,
des vendeurs de feuille de coca (interdite en Argentine, tolérée dans cette région),
de délicieuses spécialités culinaires, des pulls et ponchos quechua (pas la marque de Décathlon, mais le nom du peuple indien!)...
D'un autre côté on ne voit pas les montagnes, et c'est une petite ville argentine plutôt banale et pas trop riche avec ses églises en carton pâte, ses parcs un peu tristes mais pleins de jeux pour enfants, sa rue piétonne aux innombrables boutiques de chaussures, sa zone industrielle et ses faubourgs interminables et poussiéreux...
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Anémone dépose un voeu à la Vierge de Salta |
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...il va sûrement se réaliser |
Ce qui nous frappe surtout, c'est la surabondance de lieux
médicaux (de la pédicure aux rayons X, en passant par les pédiatres et les gynécologues) et de salles de sport, parfois juste quelques mètres carré dans une minuscule boutique ouverte sur la rue, où les apprentis culturistes s'exercent devant des passants indifférents, jusque très tard le soir...
Nous avons la chance de trouver une petite "auberge de jeunesse"
Pas d'autre mot en français pour désigner ces petits hôtels un peu roots et bon marché, ouverts et donc gardés 24/24, où l'on peut faire sa cuisine et laver son linge, et qui louent une chambre de 4 lits ou un petit dortoir pour 35 à 40 €, petit-déjeuner compris. Et le plus souvent dans des maisons ou des petits immeubles qui ont gardé tout leur cachet.
On y passera une belle soirée à discuter avec Rosa, qui assure la garde cette nuit, et Emiliano, un client argentin venu passer quelques jours ici pour voir son fils. On en ressort plein d'enseignement sur la manière de prendre la feuille de coca pour lutter contre le mal de l'altitude (en se la coinçant derrière la gencive), et surtout sur l'envers du décor du farwest argentin : la proximité avec la Bolivie accentue les problèmes de drogue et de prostitution, notamment infantile, qu'on avait déjà entrevus à Buenos Aires. Comme Rosa exerce un second métier, de jour, dans un foyer qui accueille des filles retirées de leur famille, elle est bien placée pour nous raconter: les gamines de 8 ans défoncées au crack (au paco comme on dit ici), et prostituées par leurs propres mères, elles-mêmes dealeuses... Selon elle il y aurait aussi de la traite de blanches, de l'enlèvement d'enfants... De toute façon on est incapable de vérifier, ce qui est sûr c'est que le lendemain on regarde d'un autre oeil le parc devant l'auberge, ou hier encore on ne voyait que des jongleurs et des amoureux.
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El cine opéra |
Pour se remettre de cette dure réalité, le lendemain on va voir "El Principito" (Le Petit Prince), en 3D dans un cinéma tout droit sorti des années 1960,avec de beaux sièges en cuir rouge, parmi des spectateurs d'absolument tous les âges, mais tous accros... au pop corn!
Et puis enfin, de bon matin, nous voilà partis au volant de notre Chevrolet version Amérique du Sud, c'est-à-dire plutôt petite, toute en plastique et avec un moteur de 4CV!
Une demi- heure plus tard on quitte la ville, et une autre demi-heure plus tard on est au pied des montagnes. Une brève plongée dans une forêt verdoyante semi-tropicale, et nous attaquons le premier col. Après le semi-tropical, c'est le semi-désertique!
Une petite bicoque avec une enseigne Coca-cola se trouve en haut du col. On est déjà très loin de la ville. Un couple d'Indiens nous accueille dans la minuscule boutique, pas causants mais super-souriants.
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Les cactus décorent notre pause café |
Café sous l'auvent en paille, servi dans de belles et vieilles tasses en faïence, petits gâteaux secs au coing, quelques conseils pour la route, un mot sur la météo et l'inévitable "suerte" (chance), pour se dire adieu. On reprend la route dans notre pétrolette, qui nous paraît bien fragile chaque fois qu'on se fait doubler par un gros pick-up 4X4.
Pas du luxe, les gros pick-up, surtout quand tout à coup il n'y a plus de bitume! Sans qu'aucun panneau ne l'annonce, nous voilà sur le "pavement consolidé", comme on dit ici. En fait c'est une piste relativement bien stabilisée, mais sur laquelle notre titine ne peut pas dépasser les 50 km/h.
Sans prévenir non plus, le semi-désertique laisse place au quasi-désertique, on entre dans un monde rouge-ocre-rose, sans doute un vrai paradis pour les géologues, tellement les différentes couches se superposent en vagues parfaitement distinctes. C'est superbe, et en même temps on bénit la clim qui nous permet de laisser les vitres fermées, car on roule dans un nuage de poussière!
Au loin, sur les sommets à près de 6 000m, on voit les premières neiges éternelles. Pas de doute, c'est le moment de sortir les feuilles de coca, car maintenant ça commence à monter sévère, plus question de passer la troisième...
Mais voilà bientôt le premier arrêt, pas du tout prévu: un gros camion qui transporte un engin de travaux publics, est coincé dans un virage. D'un côté la cabine frotte contre le flanc de la montagne, de l'autre il a une roue dans le vide. Il avance et recule doucement, gagnant un mètre à chaque fois. Au bout d'une grosse demi-heure il décide de faire marche arrière et de se garer, pour laisser passer les quelques véhicules bloqués de part et d'autre. On passe en se saluant, les types n'ont pas l'air trop inquiets, c'est sûr on n'a pas tous la même routine...
Puis c'est le col à plus de 3 600 m, avec sa minuscule chapelle moitié chrétienne moitié animiste, quelques bougies allumées on se demande bien par qui, quelques représentations de saints mais aussi des offrandes à la Pachamama, des bonbons, des petites statues, de jolies pierres...
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La chapelle de la Piedra del Molino |
De l'autre côté, on comprend tout de suite qu'on vient de passer... de l'autre côté! Devant nous s'étale une vaste steppe, peuplée de grands cactus, d'arbres rachitiques, de broussailles, au-dessus desquels tournoient des aigles, très haut dans le ciel bleu.
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Enfin! le bitume.. pour 3 kilomètres. |
Posée en plein milieu, la piste, totalement rectiligne, se perd à l'horizon. C'est la fameuse "recta de Tin Tin", du nom du sommet qui la domine.
Pas de Milou à l'horizon...
... Mais quelques guanacos veulent bien apparaître quand on finit par atteindre les collines.
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Guanaco (lama sauvage) |
Commence alors la lente descente vers le Rio Calchaqui. La vallée est immense, le paysage devient encore un peu plus western, avec le rio tout gris qui coule au pied des montagnes ocre-rose. Il fait près d'un kilomètre de large, mais en saison sèche comme en ce moment, c'est une toute petite rivière qui coule au milieu...
Petit à petit réapparaissent un peu de verdure, de vrais arbres, quelques maisons, quelques enclos pour les chèvres.
Et tout à coup, au détour d'une colline, de nouveau le goudron, puis on franchit un pont...
et on se retrouve, sans avoir rien vu venir, sur une petite place charmante, à l'ombre d'un arbre majestueux, bordée de très belles maisons blanches. Finie la poussière, nous voici à Cachi. Cachi la linda!
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la rue principale |
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La place |
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Le menu |
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Le restau |
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Ma fille |
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