CMB, ce n’est pas le Crédit Mutuel de Bretagne, avec
qui nous nous débattons à distance depuis que j’ai perdu ma carte. Non, CMB,
c’est pour Cali Medellin Bogota, le tiercé dans l’ordre des grandes villes
colombiennes où nous vivons depuis un mois. Un bon 20 millions d’habitants à
elles trois, près de la moitié des habitants du pays, regroupés sur trois
étages. Au rez-de-chaussée, au niveau de la mer, Cali la chaude. Au premier, à
1 500 mètres d’altitude, Medellin, la ville de l’éternel printemps. Au
deuxième, à plus de 2 500 mètres, Bogota la fraîche, la capitale qui ne connaît
pas la clim et qui domine le pays de toute sa hauteur, construisant des
gratte-ciel de plus en plus hauts pour mieux encore affirmer sa supériorité…
Cali
cali
Cali |
Medellin
Medellin
Medellin
Medellin
Medellin
Bogota |
Bogota |
Bogota |
Bogota plaza Simon Bolivar |
Manifestation Plazza Simon Bolivar |
L'armée veille... |
Bogota |
Bogota |
Bogota |
Bogota |
Bogota |
Bogota |
Parque devant le musée de l'Or |
10 heures de bus les séparent, moins d’une heure
d’avion, mais dans le grand triangle qu’elles forment, se déploie un vaste et
sublime pays de montagnes, de vallées et de hauts plateaux, où nous aimons
partir à la découverte, n’emportant que le minimum d’affaires avec nous.
Histoire aussi de respirer un peu d’air pur et
d’écouter un peu de silence, car depuis quelque temps nous mangeons beaucoup de
brique, de bruit et de béton. Heureusement ces villes ne se ressemblent pas
trop, et nous avons collectionné des hébergements très variés, donc c’est loin
d’être la routine ! Auberge avec terrasse dans un vieux quartier de Cali,
appartement dans une résidence fermée à Medellin, et grande maison dans un
quartier populaire de Bogota, chez Philippe, le frère d’Elise, une copine
brestoise d’Hélène. Et pourtant que de points communs entre ces lieux en
apparence si différents, pour nous qui gardons nos yeux de Français
provinciaux.
Maison Violette à Cali |
Notre appartement à Medellin |
la maison de Philippe et Catalina à Bogota |
Notre chambre |
Celle des enfants empruntée à Antoine |
D’abord les grilles. Pas étonnant qu’on voit autant d’ateliers
de ferronnerie en Amérique du sud : en ville chaque maison, chaque
immeuble, même gardés, sont entourées de grilles. Il y a une première grille
extérieure qui sépare de la rue, souvent surmontée d’un rouleau de fil de fer
barbelé. Puis une seconde rangée de grilles est fixée sur les fenêtres et sur
les portes, au moins jusqu’au deuxième étage. Sans parler des caméras.
Avec tout ça pas étonnant que les
« ladrones » s’en prennent parfois aux passants : comment
veux-tu cambrioler dans ces conditions ? Bon, bien sûr, cela n’est valable
que pour les quartiers vraiment urbanisés. Dans les autres, où les maisons sont
de brique et de bois, et où il n’y a rien à voler, les portes sont toujours
grand-ouvertes (mais bizarrement les fenêtres toujours soigneusement fermées).
Toutes ces maisons-forteresses ne sont pourtant guère plus solides que la
maison de paille des trois petits cochons, à côté du Musée de l’Or de
Bogota : rien qu’un seul battant de la porte blindée qui commande l’entrée
du troisième niveau, où sont les plus belles pièces, pèse trois tonnes !
Il y a aussi l’absence de centre-ville, qui fait qu’on
met un sacré bout de temps avant de trouver ses repères. Généralement il
existe, à un endroit de la ville, un « centro historico », ou
quartier colonial, ou du moins ce qu’il en reste, où sont concentrés les musées
et quelques beaux hôtels avec de vieux patios. Mais il est souvent excentré,
parfois un peu laissé à l’abandon, et souvent entouré d’autres quartiers
beaucoup plus pauvres. Fréquemment le quartier des affaires, ainsi que les
quartiers résidentiels, ou ceux de la vie nocturne, sont parfois à plusieurs
kilomètres du centre historique, et à autant de distance les uns des autres. Au
final, il nous faut un certain temps pour nous y retrouver, nous qui sommes si
habitués à une vision concentrique, avec le vieux centre au milieu.
Heureusement les Colombiens ont adopté un système
redoutable pour se repérer dans leurs villes : ils ont donné à leurs rues
des numéros, et non des noms (nom de nom pourtant que c’est énervant au
début !), sur le modèle des villes nord-américaines. Par exemple à Bogota,
comme disent les habitants, tu ne peux pas te perdre ; il n’y a que deux
sortes de rues. Si c’est une « calle » (prononcer caillé), elle est parallèle
à la chaîne de montagnes qui limite la ville à l’est. La « calle » la
plus proche de la montagne porte le numéro 1, jusqu’à 200 et davantage au fur
et à mesure que la ville s’étend sur le plateau, vers l’ouest. Si c’est une
«carrera », elle est perpendiculaire aux calles, et de la même
manière elles commencent depuis le numéro 1 à l’extrême sud de la ville. Le
fait que certaines rues mesurent plusieurs dizaines de kilomètres de long n’est
pas un problème, puisque les adresses ne s’expriment pas non plus comme chez
nous. Par exemple à Bogota nous habitons au 61≠17. 42. Je vous sens perplexes,
tout autant que nous le fûmes ! C’est pourtant simple, et aucun chauffeur
de taxi n’aurait pu nous amener à bon port si nous n’avions pas fièrement
déclamé notre sésame : la 61 avec la 17, 42. C’est-à-dire
évidemment : à partir du croisement entre la calle 61 (toujours citer la
calle en premier !), et la carrera 17, le n° 42 sur la carrera 17. Un jeu
d’enfants, surtout qu’en pratique le dernier numéro n’indique pas forcément un
numéro de rue au sens où nous l’entendons chez nous, mais le plus souvent la
distance en mètres jusqu’à la prochaine « esquina » (le prochain
croisement) ! Le plus incroyable,
c’est que ça fonctionne super bien… à condition d’avoir le plan de la ville
dans la tête ! Pour être honnête, au bout de 4 ou 5 jours de navigation
intensive en taxi, on finit par situer approximativement n’importe quelle
adresse, et dans n’importe quelle ville, une fois qu’on a son
« code ».
Mais pourquoi prenons-nous autant le taxi, nous qui
étions si fiers de prendre les transports en commun avant d’arriver en
Colombie ? Franchement, parce qu’il n’y a pas moyen de faire autrement.
Même la bruyante et embouteillée Buenos Aires, est un calme et fluide village à
côté du bazar permanent et asphyxiant qu’est la ville colombienne : s’il
existait un adjectif qui signifiât « super super bondé », il faudrait
l’employer pour qualifier les rues, les trottoirs et aussi les bus. D’autant
qu’en la quasi-absence de couloirs de bus, ceux-ci ne peuvent se dépétrer du
trafic, et bloquent fréquemment les carrefours au son d’impressionnants
concerts de klaxon. Au moins les taxis arrivent plus ou moins à contourner les
zones rouges, bien qu’il nous soit souvent arrivé de mettre une demi-heure pour
parcourir 5 km. Exception faite de Medellin et de son métro aérien, dont les
habitants sont si fiers, à juste titre, il faut donc essayer d’arrêter un des
milliers de taxis jaunes qui sillonnent les rues en permanence (ils sont plus
de 10 000, peut-être 12 000 à Bogota). Il faut dire que les tarifs défient
l’entendement d’un européen : 5 000 pesos (1,50 euro), pour une course
moyenne d’un quart d’heure, soit à peu près ce qu’on payerait, à quatre, en
transport en commun… En réalité il est déconseillé d’arrêter les taxis dans la
rue, à cause de ceux qui pratiquent le « paseo milionario » (la
promenade millionnaire) comme disent les Colombiens avec l’humour qui les
caractérise quand ils parlent de l’insécurité. Le paseo milionnario, pour un
taxi, consiste à faire monter les touristes, puis à s’arrêter un peu plus loin
pour embarquer un ou deux complices, avant d’aller tranquillement détrousser
les clients dans un endroit discret. La procédure « sécure », c’est
d’appeler une centrale de taxi, qui vous donne alors un code au téléphone, code
que le chauffeur doit vous donner avant de monter à bord. Pour parachever le
dispositif, le parcours du véhicule est suivi au GPS, et en cas d’agression le
chauffeur dispose d’un imposant dispositif de communication ! Un peu délirant, mais on s’y fait. Surtout
que vos hôtes ne prendront pas le risque de vous laisser vous débrouiller dans
la rue, et appelleront d’office la centrale… En pratique, vu qu’on a décidé de
voyager sans téléphone, on est toujours rentrés en arrêtant le taxi dans la
rue, et on est toujours tombés sur de vrais taxis (il y en a de faux peints
comme des vrais), avec d’honnêtes chauffeurs (équipés de compteurs –de
« taximetros » comme on dit).
La question de notre sécurité (et surtout de celle de
nos enfants), n’est pourtant pas aussi problématique qu’il pourrait y paraître.
Ainsi notre hôte à Bogota, depuis 23 ans qu’il y vit, ne s’est-il fait
détroussé qu’une seule fois. Statistiquement comparable à n’importe quelle
ville française… Et depuis un mois que
nous croisons des touristes en Colombie, là encore un seul cas d’agression nous
a été rapporté, même s’il était grave, avec coups de couteaux… La vraie difficulté,
c’est de réussir à évaluer le niveau réel de dangerosité. Par exemple, si on se
fie à ce que dit le site du gouvernement français à propos de la Colombie, il
ne faudrait aller que dans les quartiers touristiques, et ne circuler qu’en
taxi. C’est complètement faux. En réalité la plupart des rues sont sûres, du
moins en journée, et même les quartiers populaires sont accueillants, pour peu
qu’on accepte de s’y laisser dévisager un peu comme des bêtes curieuses,
surtout par les enfants peu habitués à voir d’autres enfants
« gringos ».
Les seules règles que nous suivons, en Colombie comme
ailleurs, sont les règles de base de n’importe quel touriste en
vadrouille : ne pas tenter les voleurs en arborant des objets de valeur,
ne pas essayer d’aller dans les endroits (ou dans les heures), que nous
déconseillent les gens du coin, et enfin se fier à notre instinct pour le
reste… Au final, je crois qu’on retiendra surtout de la Colombie l’immense
gentillesse de ses habitants, sur un fond de grande violence, qu’on n’a pas vu
mais qui est sans cesse présent.
Peut-être qu’une petite anecdote résumerait mieux tout
cela qu’un grand discours : on est allés avec Albert voir un match de
coupe d’Europe dans un bar-restaurant du quartier où l’on vivait à Bogota.
Quand on n’a pas pu se retenir de crier comme des malades sur le premier but de
Paris, on a vu d’un coup tous les clients se retourner vers nous, un petit
sourire au coin des lèvres. J’ai cru un moment qu’on avait fait une gaffe et
qu’on allait nous mettre dehors sans ménagement, vu que la clientèle n’avait
pas trop l’air de plaisanter… Mais ma trouille de touriste n’était pas fondée,
en réalité on venait de gagner le respect. Car ici le foot est une religion,
tout le monde le sait, mais surtout la France est toujours une référence, ce
que l’on sait moins vu de chez nous : ainsi un des grands hommes de la
Colombie est vénéré pour avoir traduit en espagnol la Déclaration des Droits de
l’Homme, ce qui à l’époque lui a coûté plus de vingt ans de prison. Toujours
est-il que le patron, la main sur le cœur, s’est mis à chanter la Marseillaise…
en français (alors qu’il ne parle pas un traître mot de notre
langue !). Grand moment d’émotion, en comprenant tout à coup que notre
hymne un peu guerrier est perçu ici comme LE chant de la liberté et de
l’indépendance des peuples… face à une armée et une police aujourd’hui encore
omniprésentes, mais qui n’ont pas toujours été du côté de la démocratie…
Plus tard, à la fin du match je lui dis qu’on cherche
une bonne pâtisserie, vu que c’est l’anniversaire d’Albert. Comme si c’était
une évidence, il nous accompagne pour une longue traversée du quartier, avant
de nous laisser devant ladite pâtisserie, non sans nous recommander de bien
rentrer par le même chemin. Deux gros costauds, pistolet à la ceinture, gardent
l’entrée de la belle boutique. L’un d’entre eux se fait alpaguer un moment par
une vendeuse, qui a besoin d’aide pour tenir le dévidoir du scotch, tâche dont
il s’acquitte maladroitement, se faisant gentiment rabrouer par la vendeuse… ce
qui nous le rend tout de suite beaucoup plus sympathique !
Mais à peine avons-nous pris nos marques que nous
voici déjà sur le départ. Demain c’est le versant atlantique de la Colombie qui
nous attend, avec sa côte caraïbe peuplée de descendants des esclaves
africains… et nous ignorons bien s’ils seront sensibles à notre charme
français !
Hello Bertrand, je ne sais pas si tu consultes ta messagerie wanadoo, je t'y ai laissé un message, ou si c'est sur une autre adresse de mail qu'on peut t'écrire.
RépondreSupprimerDes bises
Bertrand, l'adresse de mail que tu viens de me donner ne marche pas !
RépondreSupprimerPierre
Magnifique la dernière photo!
RépondreSupprimerMerci Bertrand pour tes beaux coups de plumes, ou de clavier!
Hélène a laissé tomber ses chroniques? Ca complétait bien les tableaux pourtant!
En tout cas merci de ces belles nouvelles régulières et bon vent pour la suite du voyage.