samedi 5 décembre 2015

Zorritos Chez Leon





Toujours plus haut, toujours plus loin…
Avec un début comme celui-là, en rentrant on pourra faire de la politique. Ou du sport, plutôt. Oui, du sport, vu qu’on ne cesse d’améliorer nos performances, grâce à un entraînement aussi régulier qu’intensif. Après avoir réussi 16 heures au premier essai, puis avoir passé 18 heures au second, on y va sans mollir pour le troisième, en plaçant directement la barre à 20 heures : départ de Lima à 16 heures, arrivée le lendemain midi à Zorritos.
Maintenant on commence à connaître un peu les compagnies de bus, et on part plein nord et plein de confiance avec Florès, une vieille copine à nous. Coût : 30 euros par personne pour faire un peu plus de 1000 km, dans des sièges de luxe inclinables à 160 degrés, avec de bons chauffeurs pas kamikazes, des vidéos, de l’air conditionné, des toilettes pas bouchées, un steward bien élevé et des plateaux repas qui ne rendent pas malades. Le luxe, quoi !  Les enfants adorent et nous aussi, car on arrive en pleine forme et en plus on économise une nuit d’hôtel. Seul petit désagrément, cette fois : le steward oblige tous les passagers à fermer les rideaux en traversant les quartiers nord de Lima (un bon quarante kilomètres), soi-disant pour éviter les jets de pierre voire d’autres projectiles plus dangereux… On n’aura pas le fin mot de l’histoire, mais j’ai beau tricher au maximum, point de snipers à l’horizon! Pas de bidonville non plus, à proprement parler, mais plutôt des quartiers modestes, un peu de bric et de broc, sans trottoirs, ni bus, ni goudron, qui s’étirent indéfiniment de par et d’autre de la Panaméricaine.




Après il y a une montagne qui tombe dans le Pacifique, et ensuite à peu près 1000 km de désert, avec parfois une ville et quelques jolies vues sur l’océan. 




Mais comme la nuit tombe de plus en plus tôt à mesure qu’on s’approche de l’équateur, on n’a rien d’autre à faire que de dormir, bouquiner ou regarder les films. Cette fois Florès a mis le paquet : il y aura « Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? », doublé bien sûr en espagnol, et sous-titré en… catalan ! Ensuite une longue vidéo d’un concert de musique colombienne, qui donne bien envie, suivie d’un inévitable film d’amour américain. Et le matin, clou de la programmation, on aura droit à un très beau film d’auteur iranien… Mais on s’en étonne à peine, cela commence à faire un moment qu’on a compris qu’en Amérique du Sud tout est possible (et son contraire dans la rue d’à côté !).
Le bus nous dépose quelques dizaines de kilomètres avant la frontière avec l’Equateur, dans le village de pêcheurs de Zorritos. 



Il nous faudra deux motos-taxis pour nous emmener, avec nos sacs, jusqu’à l’entrée du monde de Leon.




Un peu comme le temps, Leon un jour s’est arrêté sur la plage de Zorritos. 


Départ de pêche à 18 heures.
la barque est lourde chargée de glace

Avant, il a pas mal bourlingué autour du monde, depuis sa Catalogne natale. Mais depuis une bonne vingtaine il est posé là, à construire des cabanes de terre et de bambou.



Il faut dire qu’il y a pire comme sacerdoce. Comme bruit de fond permanent il a les rouleaux du Pacifique, qui bordent son domaine en grignotant chaque année un peu plus sa belle plage, ses belles dunes et son beau maquis. 



De l’autre côté c’est la Panaméricaine, noir ruban brûlant et tremblant sous le soleil. Dessus grondent de rares et imposants camions, qui doublent en klaxonnant très fort de frêles motos-taxis, menaçant chaque fois de les faire s’envoler. 




Ce serait ballot, car ce sont eux qui lui amènent quelques clients. Il n’y en a pas des tonnes, mais par contre ils restent longtemps, parfois même très longtemps.
Deux Argentines sont là depuis deux ans. Elles vivent dans la belle cabane que Leon leur a appris à construire. En échange elles l’aident de temps en temps à la cuisine, quand il organise de grands repas végétariens. Il y aussi une petite équipe d’Uruguayens et d’Argentins qui sont là depuis plusieurs mois. Ils vivent dans des tentes posées sous des huttes en toit de palme, ou y ont simplement installé des hamacs. 



Eux  travaillent tous les après-midis avec Leon, en échange de la nourriture. 


Chien Nu du Pérou... Leon en a 5. C'est pas très beau!

Une belle berlinoise vivant à demi-nue peuple également l’endroit depuis quelques mois, se faisant masser les pieds tous les matins par les jeunes et beaux cuisiniers de Leon…  et parfois plus ! 



Ainsi le domaine s’agrandit et se peuple petit à petit, étrange et vivant mélange de routards bronzés et de touristes pleins de coups de soleil. On se retrouve le soir dans la cuisine en plein air, où chacun fait sa popote sur le feu de bois. 




Pour nous, c’est un peu comme si on avait débarqué du jour au lendemain dans la maison bleue de San Francisco… version sud américaine, tendance surf éco-responsable. Un concept encore peu développé chez nous, mais chez nous ça commence à être loin! Ici la langue internationale, c’est l’espagnol, d’ailleurs ça commence à faire un bout de temps qu’on n’a pas causé français autrement qu’entre nous, et encore moins anglais…
Leon est un constructeur d’exception, doublé d’un sculpteur inspiré. Ces constructions semblent toutes de guingois, bâties à partir d’arbres morts trouvés sur la grève. 


los banos

La salle de bain commune avec le seau
sous l'évier qui sert pour la chasse d'eau des toilettes

Mais les fondations sont incroyablement solides, et la technique de construction redoutable. Il s’inspire des anciennes maisons de pêcheurs, qui sont de bambou et de feuilles de palmiers, et leur associe des murs en terre aussi solides que du béton, mais qui conservent une incroyable fraîcheur. Aucune clim évidemment, mais on ne meurt pas de chaud à l’intérieur, loin s’en faut…



Nous, avec notre improbable histoire de voyage au long cours, et nos enfants qui ne vont pas à l’école mais qui se débrouillent en espagnol, on est pour un temps l’attraction de cette petite communauté, et puis au bout de quelques jours on a l’impression de faire partie du paysage. Après reste juste à savoir si on reste ici une semaine ou trois mois.


recherche d'appâts
Le temps s’étire. Etrangement les journées passent vite, entre les baignades et les balades sur la plage, le bois pour le feu à ramasser, la pêche, la cuisine, les courses au marché du port… et puis il fait nuit noire à sept heures du soir. 

appât

Albert quant à lui enchaîne les parties de foot pieds nus, cuisiniers contre résidents, pendant qu’Anémone passe des heures dans l’eau.


Le terrain diminue au fur et à mesure que la mer monte!



Hydro-massage nature

Hélène et les enfants resteraient bien une semaine de plus.


Il y en a plein sur la plage qui filent 
se cacher dans leur trou à notre approche

Moi aussi je suis tenté, la mer a l’air bien poissonneuse et je commence à peine à m’initier aux techniques de pêche locales. 


Partie de pêche
Mais au bout du compte, c’est mon envie de continuer vers le nord qui l’emportera d’une courte tête, et un beau matin on montera tous les 4 dans un taxi commandé par Leon, qui nous emmènera jusqu’à la prochaine ville, d’où partent les bus pour l’Equateur.

Comme dirait l’autre, si c’était pas le Pérou, ça y ressemblait drôlement…



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