Guayaquil
city va a reventar
(Guayaquil city va crever de chaud)
Tanto calor
no se puede agantar
(Tant de chaleur ne peut se supporter)
Oyé
pana ! Que pasa por la calle ?
(Eh mec ! Qu’est-ce qui se passe dans la
rue ?)
1 Llorando va
la Terremoto
(Terremoto s’en va en pleurant)
Se mato su
nino en moto
(Son fils s’est tué en moto)
Y son hombre
que esta en el mar ?!
(Et son homme qui est en mer)
Dimé tu quien
va a cobrar ?
(Dis-moi, toi, qui vas payer pour cà ?)
2 La huelga
en el puerto
(La grève dans le port)
Ya se ha
terminao
(Est déjà terminée)
El del
syndicato
(Le mec du syndicat)
Ya se lo han
cargao
(Ils lui ont fait la peau)
3 Vendo sueno
peruano
(Je vends du rêve péruvien)
Venga hermano
enrollaté
(Allez mon frère rejoins-moi)
Todo el
dinero que yo gano
(Tout l’argent que je gagne)
A Miami lo
mandaré
(Je l’enverrai à Miami)
4 Y si te
engana el Colombiano ?
(Et si le Colombien te fait un mauvais coup)
De un balazo
le mataré !
(D’une balle je le tuerai !)
Que pasa por
la calle ?
(Qu’est-ce qui se passe dans la rue ?)
Nada !
No pasa nada !
(Rien ! Il ne se passe rien !)
5 Ayer por el
Malecon
(Hier sur les quais)
Al Chino lo
mataron
(Ils ont tué le Chinois)
Dicen que era
un ladron
(Ils ont dit que c’était un voleur)
Hoy salio su
barco para Canton
(Son bateau pour Canton est parti aujourd’hui)
MANO NEGRA (Album Puta’s Fever)
cliquez sur l'image pour écouter
Les paroles sont plutôt bonnes, et avec la musique
c’est un petit bijou qui n’a pas pris une ride. Ici, cette chanson est toujours
un tube, en même temps qu’un sujet de polémique. Les habitants de Guayaquil
disent que les choses ont quand même un peu changé depuis 15 ans… Et que ceux
de Quito (la capitale, l’éternelle rivale), sont trop contents qu’on leur colle
cette image négative.
Albert court sur la ville |
C’est sûr que ça a bien changé. Pourtant il y toujours
beaucoup de Guayaquil dans cette chanson : la chaleur, le port, les flics
corrompus, la drogue, le Pacifique, l’Asie si proche, l’Amérique qui fait rêver,
la vie dans la rue…
Et nous, on fait quoi ici ? Ben, pour tout dire on
se le demande un peu !
C’est sûr qu’on a vu mieux comme destination touristique…
En plus on est une fois de plus dans les quartiers nord (à croire qu’on a un
abonnement), à plus d’une heure et demi de bus du centre-ville. Et pour finir
le tableau, nos propriétaires nous ont gentiment, mais de manière très
insistante, demandé de ne pas aller nous balader seuls dans le quartier après
la tombée de la nuit… c’est-à-dire 18h30 !
Allez, on commence avec les mauvais côtés, et on garde
les bonnes surprises pour la fin ?
Première sortie en ville, dès le lendemain de notre
arrivée. Grâce à de jeunes religieuses miraculeusement rencontrées sur le
trottoir, on attrape le bon bus.
Infernal |
Baptême sévère : chauffeur hyper brutal
et totalement kamikaze, passagers tassés dans une chaleur étouffante, visages
fermés, coups de frein qui nous envoient valdinguer plusieurs mètres à l’avant…
Ici les gens crient du fond du bus pour demander l’arrêt, puis foncent vers la
seule sortie, à l’avant, en bousculant tout sur leur passage, sans s’excuser ni
sourire. Habitués à beaucoup plus de civilité dans les pays précédents, on se
serre et on s’accroche… Autre différence avec l’Argentine, la Bolivie ou le
Pérou : ici, même quand on est persuadés qu’on ne pourra plus faire entrer
personne dans le bus, il y a encore des gens qui réussissent à s’y faufiler,
pour proposer de l’eau fraîche, des gâteaux ou des saucisses, et souvent aussi
pour exhiber leur handicap en demandant l’aumône.
Dans la quasi-indifférence
générale, quoiqu’’ils ressortent rarement sans une piécette…
On arrive à s’extraire de la machine infernale au
niveau du Malecon.
Malecon 2000 |
Il y a encore dix ans c’étaient des quais mal famés.
Aujourd’hui c’est une belle promenade de fer et de bois, moderne et peuplée d’enseignes
américaines, qui borde le large rio salé qui descend jusqu’à la mer. De l’autre
côté, une île totalement sauvage et tropicale, fait face aux gratte-ciels.
Après la promenade, on va se mettre au frais dans le
tout beau, tout grand et tout neuf musée d’anthropologie et d’art moderne.
Musée d'anthropologie |
Entrée, et surtout climatisation, gratuites ! Beaucoup d’espace vide, pas
un chat, pas grand chose à voir non plus, à part de belles pièces venant du
peuple de marins qui vivait là autrefois, avant de passer lui aussi à la
moulinette des Incas. On y découvrira pourtant une très étonnante
théorie : deux Américains ont montré une totale similitude entre des
pointes de flèches trouvées dans l’ouest de l’Europe, et en Amérique du sud.
D’où ils en ont évidemment déduit une communication entre les deux continents.
Pas de problème, si ce n’est que l’affaire remonte à 18 000 ans, c’est-à-dire à
l’époque des hommes des cavernes. Donc, en gros, certains Indiens seraient nos
cousins, à nous les Bretons!
Youpi ! |
D’ailleurs ça explique peut-être pourquoi on
rencontre beaucoup, de personnes au type indigène mais avec les yeux bleus,
depuis qu’on est en Equateur… Et puis, c’est vrai qu’on a toujours été de bons
marins! Et moi qui depuis trois mois explique en long et en large à toute la
famille que l’Amérique a été peuplée depuis l’Asie, quand la banquise faisait
se rejoindre les deux continents…
Un peu plus loin c’est le vieux quartier de Las Penas,
avec ses maisons de toutes les couleurs qui dominent le fleuve.
Las penas |
On grimpe le
long d’une petite ruelle charmante, bordée de jolies boutiques d’artisanat.
La
visite se poursuit par un escalier redoutable, qui nous emmène au cœur du
quartier.
En haut, un membre d’une section d’assaut en grande tenue nous
attend, pour nous indiquer par où continuer la visite.
Puis il informe son
collègue un peu plus haut, avec son talkie, qu’un colis est en partance. On se
fait réceptionner 20 mètres plus loin, et la visite continue ainsi, en passant
d’un homme en armes à un autre.
Comme on cherche un coin pour déjeuner, et que
les restos dans l’espace sécurisé ne nous disent rien, on essaie de prendre une
petite rue qui semble un peu moins pimpante, mais un garde est là pour nous en
empêcher! Un peu lassés, on reprendra bien vite la direction du centre ville.
Certes la présence policière y est aussi importante, mais au moins on peut
aller où on veut !
La sécurité des touristes, enjeu national! Pour les
autorités bien sûr, mais aussi pour tous les habitants qu’on a pu rencontrer.
Et pas seulement pour des raisons économiques.
Rafael Correa Président de l'Equateur |
L’enjeu, en fait, c’est l’image de
leur ville, de leur pays, et au-delà de toute l’Amérique du Sud. Etre un pays
moderne, c’est être un pays où l’on ne se fait pas agresser en plein
centre-ville. On l’avait déjà perçu à La Paz et à Lima. Ici c’est juste un peu
plus accentué, sans doute parce qu’il y a plus de problème de drogue et aussi
de déracinement, d’américanisation. Mais le sentiment de fierté nationale est
tout aussi fort en Equateur qu’en Bolivie ou au Pérou, même s’il ne ressemble
pas du tout aux nationalismes populistes de nos vieux pays européens.
Un
graffiti sur un des bancs qui bordent le terrain de foot, en bas de chez nous,
résume bien ce sentiment : Ecuador mi casa, Sud America mi barrio
(Equateur ma maison, Amérique du sud mon quartier)… Donc on essaie de
comprendre, de ne pas trop juger, et de se dire que c’est gentil de nous
protéger.
veille de la police dans le centre ville |
Le lendemain soir notre propriétaire nous propose de
nous accompagner pour une promenade en ville. Ivan, originaire d’une famille de
petits commerçants du nord du pays, à la frontière colombienne, gère quelques
logements et une petite entreprise de grossiste en produits cosmétiques. Il
passe nous prendre vers 19 heures. On s’attendait à ce qu’il nous emmène voir
les belles places coloniales du centre-ville, mais ce n’était pas cet
Equateur-là qu’il voulait nous montrer. Première étape, le Parc Samanes. Pas très loin de chez nous, un gigantesque
complexe sportif ouvert de 8 heures du matin à 11 heures du soir, entièrement
gratuit. Terrains de foot, de tennis, d’athlétisme, de hand, de volley…
Parc Samanes |
Le
complexe fait près de 1 000 hectares, ce qui en fait le plus grand d’Amérique
du Sud « et bientôt du monde, quand il sera fini », nous assure Ivan
avec fierté. Juste inimaginable chez nous. On ne trouverait jamais la place, ni
l’argent, pour construire, entretenir et sécuriser un truc pareil. Et ça
marche, au vu des milliers de personnes qui y transpirent avec bonheur. C’est
vrai qu’ici, avec l’argent du pétrole, on peut faire beaucoup de choses… On
poursuit en direction des quartiers résidentiels, et là encore il va nous
surprendre. On s’engage dans une grande avenue qui longe un des affluents du
fleuve, et pendant au moins dix kilomètres on va longer des complexes
résidentiels, comme on dit ici. Modèle à l’américaine qu’on avait entrevu en
Argentine et au Pérou, mais pas à ce point. Des dizaines de milliers de
personnes vivent sur cette presqu’île, dans des versions plus ou moins
luxueuses mais toutes sur le même principe : murs, caméras, gardes et
entrée unique, commerces interdits à l’intérieur. D’ailleurs la modeste voiture
d’Ivan s’arrête devant l’une d’entre elles. La surprise du chef, c’est qu’il
tient à nous faire visiter la sienne, de résidence ! A l’intérieur ça
ressemble un peu à un pâté d’immeubles tout neufs de chez nous, avec juste en
plus une piscine, des caméras…et des gardes armés dans les jardins !
136
familles vivent ici, visiblement en bonne harmonie. A l’intérieur la femme
d’Ivan est en train de finir de décorer le sapin de Noël, et pendant que les
enfants lui donnent un coup de main on va fumer une cigarette sur le balcon avec
Ivan, en regardant les reflets de la lune dans le rio.
Les enfants apprécient de décorer un sapin |
C’est beau, c’est calme,
c’est reposant…
desperate housewives |
Puis on reprend la voiture, et toujours dans le même
secteur on va visiter le Parc du Lac. Encore un truc incroyable. A la place
d’un ancien marais, une association d’entrepreneurs, de promoteurs et de petits
investisseurs se sont regroupés pour créer à partir de rien une sorte de ville
d’affaires et de loisirs.
Au rez-de-chaussée il y a les bars à thème et les
restaurants plutôt huppés, et du premier au quatrième étage ce sont des bureaux.
Au moins une cinquantaine de longs bâtiments, tout blancs, aux lignes épurées, bordés
de fontaines, de beaux réverbères et de grands palmiers pleins de guirlandes
électriques, parmi lesquels serpente une rivière que traversent de jolis
ponts…
...dans un domaine bien sûr entièrement
piétonnier et sans aucun moustique ! On s’arrête sur un banc pendant que
les enfants profitent des balançoires et courent sur l’herbe synthétique.
En
fond sonore, de discrètes enceintes diffusent un mélange de jazz et de salsa.
Il y a quelques joggers, des gens qui promènent leur chien, assez peu de monde
en vérité, mais on est un soir de semaine, et Ivan nous assure que le week-end
c’est bondé.
photo souvenir |
Au vu de la taille du parking (cerné de gardes armés bien sûr), on
le croit volontiers.
Sur la route du retour Ivan me demande si la visite m’a
plu. Je lui réponds que oui, qu’il nous a permis de voir une autre image de
l’Equateur, et qu’on est toujours contents de voir des endroits où
habituellement les touristes ne vont pas… C’est vrai, finalement c’était
beaucoup plus intéressant que d’aller voir les places coloniales du
centre-ville !
Voilà, ça c’était pour les côtés un peu moins
séduisants de Guayaquil. Mais des bons côtés il y en a eu aussi. Une fois de
plus, c’est la vie de quartier qui fait le charme de notre séjour.
notre maison en face |
En bas de
chez nous il y a une annexe du commissariat, et plusieurs terrains de foot et
de basket. Le contraste est saisissant entre des policiers plutôt inactifs, qui
enfourchent leur moto pour se rendre 100 mètres plus loin, et les dizaines de
jeunes, filles autant que garçons, qui passent des heures à courir après le
ballon, malgré la chaleur étouffante. Avec Albert on continue à s’initier au
foot à 5 sur terrain de hand, qui finalement est le sport national en Amérique
du sud. Dans un si petit espace, et avec un jeu qui va aussi vite, on comprend
mieux pourquoi le moindre gamin ici est un technicien hors pair. Par contre
leur niveau tactique et collectif est plus faible que chez nous, sans doute
pour les mêmes raisons. Après le foot à plus de 3 000 mètres, nous voilà à
expérimenter le foot par 35° ! Le point commun, c’est qu’au début on pense
qu’on n’y arrivera jamais !
Quant à Hélène et Anémone, elles découvrent la
bailathérapie (danse thérapie) : deux fois par jour, à 7h30 du matin et du
soir, pendant une heure à chaque fois, le terrain de basket est colonisé par
une bonne soixantaine de femmes de tous les âges, qui dansent le merengué ou la
salsa, sous la coupe d’un prof qui bouge comme un dieu, et qui change de
jogging et de casquette tous les jours.
découverte de la fenêtre |
L’activité est entièrement gratuite,
les enceintes sont branchées chez les flics juste à côté, certains même ne
peuvent s’empêcher de se déhancher. Le seul hic, c’est les décibels… Difficile
à décrire tellement c’est fort. Le premier matin on a réellement sursauté dans
notre lit ! Ensuite on a renoncé à essayer d’avoir une conversation
pendant le petit-déjeuner… Mais le niveau sonore de la rue ici est tellement
fort, même comparé à tout ce qu’on a vu avant, que personne ne semble gêné…
Sinon, pour la faune, on a deux iguanes qui vivent dans
les arbres au-dessus des terrains de sport.
Voisin |
Parfois, le matin, peut-être
dérangée par le son, il y en a une qui décide de changer d’arbre et qui
traverse le grand terrain stabilisé. Des fois on dirait qu’elle trottine au
rythme de la musique… Guayaquil, c’est la ville des iguanes, il y a même un
parc en plein centre ville où ils sont des centaines, et où tout le monde vient
se faire prendre en photo, assis sur un banc à côté des drôles de bestioles.
puis-je m'assoir? |
L’autre attraction du quartier, c’est la chenille. C’est
comme un petit train touristique, mais qui ferait le tour d’un quartier
populaire, avec des voitures en résine en forme de gros chiens hilares,
surmontés de néons de toutes les couleurs.
C'est le truc coloré |
Autres petites différences :
elle ne circule que de nuit, avec des enceintes qui envoient de la salsa au maximum
de volume (c’est des grosses enceintes !), et le tout est conduit à fond,
en faisant le maximum de virages au milieu des avenues, par un type en jogging
et casquette à l’envers, qui contrairement à ce qu’on pourrait imaginer nesourit jamais. Comme on n’a pas trouvé
d’autre moyen pour visiter le quartier de nuit, alors on le fait avec la
chenille, au grand bonheur des enfants évidemment, et c’est tellement bien
qu’on le fera deux fois ! On traverse des carrefours en provoquant de
mini-embouteillages et des concerts de klaxon, on fait coucou aux gens qui sont
sur leurs balcons, leurs terrasses, leurs trottoirs, et qui répondent tous. On
a l’impression qu’à partir de 8 ou 9 heures du soir tout le monde est dans la
rue, à discuter, à faire des grillades, à draguer ou à ne rien faire, et que le
passage de la chenille constitue une attraction sympathique. D’ailleurs elle
est toujours presque pleine, et à un dollar le circuit d’une demi-heure c’est
vraiment pas du vol… Le gars doit offrir
des tours gratuits aux gamins des policiers du quartier, autrement je ne vois
pas comment ils pourraient laisser circuler un objet pareil, quasi pas éclairé
à part ses néons, et méprisant à ce point le code de la route !
On a fait une autre balade amusante, mais cette fois en barque, sur un des
affluents du fleuve.
Il y avait deux ou trois iguanes sur les branches des
arbres au bord de l’eau. On a demandé à notre rameur, un genre de pince-sans-rire
pas causant et même un peu inquiétant, si les iguanes étaient bons à manger.
Tout à coup son visage s’est éclairé, et il a commencé à nous raconter avec
force détail comment il les tuait, puis comment il les préparait, et enfin
comment il les dégustait, sous les yeux horrifiés d’Anémone.
barbecue d'iguane |
Finalement Guayaquil c’était plutôt… dépaysant, mais on
est quand même bien contents de partir demain, cap à l’est vers la sierra, où
tout le monde nous dit que c’est «mas frio» (plus froid), et surtout… «mas
tranquilo» !
remontée du rio |
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