samedi 12 décembre 2015

Guayaquil City va crever de chaud



Guayaquil city va a reventar
(Guayaquil city va crever de chaud)
Tanto calor no se puede agantar
(Tant de chaleur ne peut se supporter)
Oyé pana ! Que pasa por la calle ?
(Eh mec ! Qu’est-ce qui se passe dans la rue ?)

1 Llorando va la Terremoto
(Terremoto s’en va en pleurant)
Se mato su nino en moto
(Son fils s’est tué en moto)
Y son hombre que esta en el mar ?!
(Et son homme qui est en mer)
Dimé tu quien va a cobrar ?
(Dis-moi, toi, qui vas payer pour cà ?)

2 La huelga en el puerto
(La grève dans le port)
Ya se ha terminao
(Est déjà terminée)
El del syndicato
(Le mec du syndicat)
Ya se lo han cargao
(Ils lui ont fait la peau)

3 Vendo sueno peruano
(Je vends du rêve péruvien)
Venga hermano enrollaté
(Allez mon frère rejoins-moi)
Todo el dinero que yo gano
(Tout l’argent que je gagne)
A Miami lo mandaré
(Je l’enverrai à Miami)

4 Y si te engana el Colombiano ?
(Et si le Colombien te fait un mauvais coup)
De un balazo le mataré !
(D’une balle je le tuerai !)
Que pasa por la calle ?
(Qu’est-ce qui se passe dans la rue ?)
Nada ! No pasa nada !
(Rien ! Il ne se passe rien !)

5 Ayer por el Malecon
(Hier sur les quais)
Al Chino lo mataron
(Ils ont tué le Chinois)
Dicen que era un ladron
(Ils ont dit que c’était un voleur)
Hoy salio su barco para Canton
(Son bateau pour Canton est parti aujourd’hui)

MANO NEGRA (Album Puta’s Fever)


cliquez sur l'image pour écouter

Les paroles sont plutôt bonnes, et avec la musique c’est un petit bijou qui n’a pas pris une ride. Ici, cette chanson est toujours un tube, en même temps qu’un sujet de polémique. Les habitants de Guayaquil disent que les choses ont quand même un peu changé depuis 15 ans… Et que ceux de Quito (la capitale, l’éternelle rivale), sont trop contents qu’on leur colle  cette image négative.


Albert court sur la ville

 C’est sûr que ça a bien changé. Pourtant il y toujours beaucoup de Guayaquil dans cette chanson : la chaleur, le port, les flics corrompus, la drogue, le Pacifique, l’Asie si proche, l’Amérique qui fait rêver, la vie dans la rue…
Et nous, on fait quoi ici ? Ben, pour tout dire on se le demande un peu ! 
C’est sûr qu’on a vu mieux comme destination touristique… En plus on est une fois de plus dans les quartiers nord (à croire qu’on a un abonnement), à plus d’une heure et demi de bus du centre-ville. Et pour finir le tableau, nos propriétaires nous ont gentiment, mais de manière très insistante, demandé de ne pas aller nous balader seuls dans le quartier après la tombée de la nuit… c’est-à-dire 18h30 !
Allez, on commence avec les mauvais côtés, et on garde les bonnes surprises pour la fin ?
Première sortie en ville, dès le lendemain de notre arrivée. Grâce à de jeunes religieuses miraculeusement rencontrées sur le trottoir, on attrape le bon bus. 

Infernal
Baptême sévère : chauffeur hyper brutal et totalement kamikaze, passagers tassés dans une chaleur étouffante, visages fermés, coups de frein qui nous envoient valdinguer plusieurs mètres à l’avant… Ici les gens crient du fond du bus pour demander l’arrêt, puis foncent vers la seule sortie, à l’avant, en bousculant tout sur leur passage, sans s’excuser ni sourire. Habitués à beaucoup plus de civilité dans les pays précédents, on se serre et on s’accroche… Autre différence avec l’Argentine, la Bolivie ou le Pérou : ici, même quand on est persuadés qu’on ne pourra plus faire entrer personne dans le bus, il y a encore des gens qui réussissent à s’y faufiler, pour proposer de l’eau fraîche, des gâteaux ou des saucisses, et souvent aussi pour exhiber leur handicap en demandant l’aumône. 


Dans la quasi-indifférence générale, quoiqu’’ils ressortent rarement sans une piécette…
On arrive à s’extraire de la machine infernale au niveau du Malecon. 

Malecon 2000
Il y a encore dix ans c’étaient des quais mal famés. Aujourd’hui c’est une belle promenade de fer et de bois, moderne et peuplée d’enseignes américaines, qui borde le large rio salé qui descend jusqu’à la mer. De l’autre côté, une île totalement sauvage et tropicale, fait face aux gratte-ciels.
Après la promenade, on va se mettre au frais dans le tout beau, tout grand et tout neuf musée d’anthropologie et d’art moderne. 

Musée d'anthropologie
Entrée, et surtout climatisation, gratuites ! Beaucoup d’espace vide, pas un chat, pas grand chose à voir non plus, à part de belles pièces venant du peuple de marins qui vivait là autrefois, avant de passer lui aussi à la moulinette des Incas. On y découvrira pourtant une très étonnante théorie : deux Américains ont montré une totale similitude entre des pointes de flèches trouvées dans l’ouest de l’Europe, et en Amérique du sud. 


D’où ils en ont évidemment déduit une communication entre les deux continents. Pas de problème, si ce n’est que l’affaire remonte à 18 000 ans, c’est-à-dire à l’époque des hommes des cavernes. Donc, en gros, certains Indiens seraient nos cousins, à nous les Bretons! 

Youpi !

D’ailleurs ça explique peut-être pourquoi on rencontre beaucoup, de personnes au type indigène mais avec les yeux bleus, depuis qu’on est en Equateur… Et puis, c’est vrai qu’on a toujours été de bons marins! Et moi qui depuis trois mois explique en long et en large à toute la famille que l’Amérique a été peuplée depuis l’Asie, quand la banquise faisait se rejoindre les deux continents…
Un peu plus loin c’est le vieux quartier de Las Penas, avec ses maisons de toutes les couleurs qui dominent le fleuve. 

Las penas

On grimpe le long d’une petite ruelle charmante, bordée de jolies boutiques d’artisanat. 


La visite se poursuit par un escalier redoutable, qui nous emmène au cœur du quartier. 


En haut, un membre d’une section d’assaut en grande tenue nous attend, pour nous indiquer par où continuer la visite. 


Puis il informe son collègue un peu plus haut, avec son talkie, qu’un colis est en partance. On se fait réceptionner 20 mètres plus loin, et la visite continue ainsi, en passant d’un homme en armes à un autre. 


Comme on cherche un coin pour déjeuner, et que les restos dans l’espace sécurisé ne nous disent rien, on essaie de prendre une petite rue qui semble un peu moins pimpante, mais un garde est là pour nous en empêcher! Un peu lassés, on reprendra bien vite la direction du centre ville. Certes la présence policière y est aussi importante, mais au moins on peut aller où on veut !
La sécurité des touristes, enjeu national! Pour les autorités bien sûr, mais aussi pour tous les habitants qu’on a pu rencontrer. Et pas seulement pour des raisons économiques.

Rafael Correa Président de l'Equateur

L’enjeu, en fait, c’est l’image de leur ville, de leur pays, et au-delà de toute l’Amérique du Sud. Etre un pays moderne, c’est être un pays où l’on ne se fait pas agresser en plein centre-ville. On l’avait déjà perçu à La Paz et à Lima. Ici c’est juste un peu plus accentué, sans doute parce qu’il y a plus de problème de drogue et aussi de déracinement, d’américanisation. Mais le sentiment de fierté nationale est tout aussi fort en Equateur qu’en Bolivie ou au Pérou, même s’il ne ressemble pas du tout aux nationalismes populistes de nos vieux pays européens. 


Un graffiti sur un des bancs qui bordent le terrain de foot, en bas de chez nous, résume bien ce sentiment : Ecuador mi casa, Sud America mi barrio (Equateur ma maison, Amérique du sud mon quartier)… Donc on essaie de comprendre, de ne pas trop juger, et de se dire que c’est gentil de nous protéger.

veille de la police dans le centre ville

Le lendemain soir notre propriétaire nous propose de nous accompagner pour une promenade en ville. Ivan, originaire d’une famille de petits commerçants du nord du pays, à la frontière colombienne, gère quelques logements et une petite entreprise de grossiste en produits cosmétiques. Il passe nous prendre vers 19 heures. On s’attendait à ce qu’il nous emmène voir les belles places coloniales du centre-ville, mais ce n’était pas cet Equateur-là qu’il voulait nous montrer. Première étape, le Parc Samanes. Pas très loin de chez nous, un gigantesque complexe sportif ouvert de 8 heures du matin à 11 heures du soir, entièrement gratuit. Terrains de foot, de tennis, d’athlétisme, de hand, de volley… 

Parc Samanes
Le complexe fait près de 1 000 hectares, ce qui en fait le plus grand d’Amérique du Sud « et bientôt du monde, quand il sera fini », nous assure Ivan avec fierté. Juste inimaginable chez nous. On ne trouverait jamais la place, ni l’argent, pour construire, entretenir et sécuriser un truc pareil. Et ça marche, au vu des milliers de personnes qui y transpirent avec bonheur. C’est vrai qu’ici, avec l’argent du pétrole, on peut faire beaucoup de choses… On poursuit en direction des quartiers résidentiels, et là encore il va nous surprendre. On s’engage dans une grande avenue qui longe un des affluents du fleuve, et pendant au moins dix kilomètres on va longer des complexes résidentiels, comme on dit ici. Modèle à l’américaine qu’on avait entrevu en Argentine et au Pérou, mais pas à ce point. Des dizaines de milliers de personnes vivent sur cette presqu’île, dans des versions plus ou moins luxueuses mais toutes sur le même principe : murs, caméras, gardes et entrée unique, commerces interdits à l’intérieur. D’ailleurs la modeste voiture d’Ivan s’arrête devant l’une d’entre elles. La surprise du chef, c’est qu’il tient à nous faire visiter la sienne, de résidence ! A l’intérieur ça ressemble un peu à un pâté d’immeubles tout neufs de chez nous, avec juste en plus une piscine, des caméras…et des gardes armés dans les jardins ! 


136 familles vivent ici, visiblement en bonne harmonie. A l’intérieur la femme d’Ivan est en train de finir de décorer le sapin de Noël, et pendant que les enfants lui donnent un coup de main on va fumer une cigarette sur le balcon avec Ivan, en regardant les reflets de la lune dans le rio. 

Les enfants apprécient de décorer un sapin
C’est beau, c’est calme, c’est reposant…


desperate housewives
Puis on reprend la voiture, et toujours dans le même secteur on va visiter le Parc du Lac. Encore un truc incroyable. A la place d’un ancien marais, une association d’entrepreneurs, de promoteurs et de petits investisseurs se sont regroupés pour créer à partir de rien une sorte de ville d’affaires et de loisirs. 


Au rez-de-chaussée il y a les bars à thème et les restaurants plutôt huppés, et du premier au quatrième étage ce sont des bureaux. Au moins une cinquantaine de longs bâtiments, tout blancs, aux lignes épurées, bordés de fontaines, de beaux réverbères et de grands palmiers pleins de guirlandes électriques, parmi lesquels serpente une rivière que traversent de jolis ponts…  


...dans un domaine bien sûr entièrement piétonnier et sans aucun moustique ! On s’arrête sur un banc pendant que les enfants profitent des balançoires et courent sur l’herbe synthétique. 


En fond sonore, de discrètes enceintes diffusent un mélange de jazz et de salsa. Il y a quelques joggers, des gens qui promènent leur chien, assez peu de monde en vérité, mais on est un soir de semaine, et Ivan nous assure que le week-end c’est bondé. 

photo souvenir

Au vu de la taille du parking (cerné de gardes armés bien sûr), on le croit volontiers.
Sur la route du retour Ivan me demande si la visite m’a plu. Je lui réponds que oui, qu’il nous a permis de voir une autre image de l’Equateur, et qu’on est toujours contents de voir des endroits où habituellement les touristes ne vont pas… C’est vrai, finalement c’était beaucoup plus intéressant que d’aller voir les places coloniales du centre-ville !
Voilà, ça c’était pour les côtés un peu moins séduisants de Guayaquil. Mais des bons côtés il y en a eu aussi. Une fois de plus, c’est la vie de quartier qui fait le charme de notre séjour. 

notre maison en face

En bas de chez nous il y a une annexe du commissariat, et plusieurs terrains de foot et de basket. Le contraste est saisissant entre des policiers plutôt inactifs, qui enfourchent leur moto pour se rendre 100 mètres plus loin, et les dizaines de jeunes, filles autant que garçons, qui passent des heures à courir après le ballon, malgré la chaleur étouffante. Avec Albert on continue à s’initier au foot à 5 sur terrain de hand, qui finalement est le sport national en Amérique du sud. Dans un si petit espace, et avec un jeu qui va aussi vite, on comprend mieux pourquoi le moindre gamin ici est un technicien hors pair. Par contre leur niveau tactique et collectif est plus faible que chez nous, sans doute pour les mêmes raisons. Après le foot à plus de 3 000 mètres, nous voilà à expérimenter le foot par 35° ! Le point commun, c’est qu’au début on pense qu’on n’y arrivera jamais !
Quant à Hélène et Anémone, elles découvrent la bailathérapie (danse thérapie) : deux fois par jour, à 7h30 du matin et du soir, pendant une heure à chaque fois, le terrain de basket est colonisé par une bonne soixantaine de femmes de tous les âges, qui dansent le merengué ou la salsa, sous la coupe d’un prof qui bouge comme un dieu, et qui change de jogging et de casquette tous les jours. 

découverte de la fenêtre
L’activité est entièrement gratuite, les enceintes sont branchées chez les flics juste à côté, certains même ne peuvent s’empêcher de se déhancher. Le seul hic, c’est les décibels… Difficile à décrire tellement c’est fort. Le premier matin on a réellement sursauté dans notre lit ! Ensuite on a renoncé à essayer d’avoir une conversation pendant le petit-déjeuner… Mais le niveau sonore de la rue ici est tellement fort, même comparé à tout ce qu’on a vu avant, que personne ne semble gêné…
Sinon, pour la faune, on a deux iguanes qui vivent dans les arbres au-dessus des terrains de sport. 

Voisin

Parfois, le matin, peut-être dérangée par le son, il y en a une qui décide de changer d’arbre et qui traverse le grand terrain stabilisé. Des fois on dirait qu’elle trottine au rythme de la musique… Guayaquil, c’est la ville des iguanes, il y a même un parc en plein centre ville où ils sont des centaines, et où tout le monde vient se faire prendre en photo, assis sur un banc à côté des drôles de bestioles.

puis-je m'assoir?
L’autre attraction du quartier, c’est la chenille. C’est comme un petit train touristique, mais qui ferait le tour d’un quartier populaire, avec des voitures en résine en forme de gros chiens hilares, surmontés de néons de toutes les couleurs. 

C'est le truc coloré
Autres petites différences : elle ne circule que de nuit, avec des enceintes qui envoient de la salsa au maximum de volume (c’est des grosses enceintes !), et le tout est conduit à fond, en faisant le maximum de virages au milieu des avenues, par un type en jogging et casquette à l’envers, qui contrairement à ce qu’on pourrait imaginer nesourit jamais.  Comme on n’a pas trouvé d’autre moyen pour visiter le quartier de nuit, alors on le fait avec la chenille, au grand bonheur des enfants évidemment, et c’est tellement bien qu’on le fera deux fois ! On traverse des carrefours en provoquant de mini-embouteillages et des concerts de klaxon, on fait coucou aux gens qui sont sur leurs balcons, leurs terrasses, leurs trottoirs, et qui répondent tous. On a l’impression qu’à partir de 8 ou 9 heures du soir tout le monde est dans la rue, à discuter, à faire des grillades, à draguer ou à ne rien faire, et que le passage de la chenille constitue une attraction sympathique. D’ailleurs elle est toujours presque pleine, et à un dollar le circuit d’une demi-heure c’est vraiment pas du vol…  Le gars doit offrir des tours gratuits aux gamins des policiers du quartier, autrement je ne vois pas comment ils pourraient laisser circuler un objet pareil, quasi pas éclairé à part ses néons, et méprisant à ce point le code de la route !
On a fait une autre balade amusante,  mais cette fois en barque, sur un des affluents du fleuve. 


Il y avait deux ou trois iguanes sur les branches des arbres au bord de l’eau. On a demandé à notre rameur, un genre de pince-sans-rire pas causant et même un peu inquiétant, si les iguanes étaient bons à manger. Tout à coup son visage s’est éclairé, et il a commencé à nous raconter avec force détail comment il les tuait, puis comment il les préparait, et enfin comment il les dégustait, sous les yeux horrifiés d’Anémone.


barbecue d'iguane

Finalement Guayaquil c’était plutôt… dépaysant, mais on est quand même bien contents de partir demain, cap à l’est vers la sierra, où tout le monde nous dit que c’est «mas frio» (plus froid), et surtout… «mas tranquilo» !

remontée du rio

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