dimanche 20 décembre 2015

Galapagos: Des tortues et des Hommes


Les Iles Enchantées… Tel fut le nom que leur donna le premier qui les découvrit, un Espagnol qui perdit son chemin il y a tout juste 500 ans, et y débarqua par le plus grand des hasards, après plus de 1000 km d’errance dans le Pacifique. A son retour, il raconta qu’elle était peuplée d’animaux si stupides qu’ils ne se sauvaient même pas à l’approche de l’homme !  Puis ce fut un repaire de pirates, qui venaient s’y reposer et s’y cacher, avant de repartir avec un chargement de tortues terrestres géantes. Elles pouvaient rester vivantes en fond de cale pendant une année, assurant de la chair fraîche à l’équipage et le protégeant contre le scorbut. Et tout au long des siècles suivants l’habitude fut prise par les marins de venir s’y ravitailler, si bien que les Iles Enchantées devinrent les Iles Galapagos (« galapago » est un des mots espagnols pour dire « tortue »).

Grottes de pirates

Grotte de pirate

Graffitis de pirates

Nourriture des pirates. Ils retournent les tortues
pour pouvoir les immobiliser

Par chance il en restait quelques dizaines quand on a commencé à se préoccuper d’environnement, et on est parvenu à éviter leur disparition. Mais pour cela il a fallu créer des élevages, et surtout éliminer toutes les chèvres introduites par l’homme, qui s’étaient multipliées au point de détruire toute la végétation qui nourrissait ces gentils monstres préhistoriques…
Tout cela résume bien ce que l’on a ressenti : un très fragile équilibre entre une nature unique au monde, et une présence humaine qui la menace tout en ayant besoin d’elle pour sa survie économique, qui dépend du tourisme à quasiment 100%. Car les Galapagos ne sont pas des îles désertes, loin de là ! Près de 30 000 personnes vivent sur les quatre plus grandes îles de l’archipel, dont 6 ou 7000 à San Cristobal (où nous avons pris nos quartiers pour 15 jours chez Jenny et Dany). 

Nos supers hôtes jenny et Dany

Sans compter les touristes évidemment, principalement américains, qui atterrissent chaque jour par centaines pour venir y déverser leurs dollars, source de toutes les convoitises. Heureusement la plupart d’entre eux, sitôt débarqués, sont acheminés vers l’embarcadère, et de là vers le yacht qui les attend un peu plus au large, avant de partir en croisière organisée à la découverte de l’archipel.



Mais il en reste pas mal, comme nous, moins fortunés ou moins pressés, qui préfèrent se trouver un logement sur place et découvrir les îles par leurs propres moyens. D’où la construction de dizaines d’hôtels, et de tout un tas de restaurants, de bars et de boutiques, sans compter les agences qui détiennent le monopole des sorties en mer.
Pour limiter l’urbanisation galopante, et éviter la catastrophe écologique, et du même coup la disparition de la poule aux œufs d’or, le gouvernement équatorien a dû prendre des décisions qui n’ont pas plu à tout le monde. En premier lieu, seuls les Equatoriens nés sur l’archipel, ou y possédant une résidence principale avant 1998, peuvent y demeurer, et donc y acheter ou construire une maison. Ensuite les îles habitées sont divisées en plusieurs espaces bien séparés : la plus grande partie sont des zones naturelles totalement vierges et interdites d’accès. On trouve ensuite quelques sites remarquables visitables seulement en bateau et avec des guides naturalistes agréés, et il y a enfin des zones « libres » sillonnées de quelques pistes et routes goudronnées, où se trouvent les rares fermes et la ville-port, avec toute une partie côtière entièrement libre d’accès.

Puerto Baquerizo Moreno

Marche sur la côte

Approche d'un indigène

Interdiction d'aller plus loin.
C'est la zone sauvage
c'est à dire sans humains

Et finalement tout cela fonctionne plutôt bien. La plupart du temps on se croirait dans un coin tranquille de la côte, comme on a pu en voir au Pérou ou en Equateur. Avec juste ces petites différences que sont la clarté de l’eau, les poissons entre les jambes, les lions de mer partout, les iguanes, les tortues marines et les fous à pattes bleues !











Quant aux tortues géantes terrestres, on ne les voit que dans le grand parc qui entoure le centre d’élevage, celles qui vivent à l’état sauvage sont dans une partie de l’île totalement inaccessible et interdite.


Si j’avais été un animal observant les êtres humains peuplant les Galapagos, j’aurais peut-être distingué quatre grandes espèces assez distinctes.
Tout d’abord les naturalistes. La plupart sont employés par le parc naturel comme scientifiques ou simplement comme surveillants pour la pêche ou les plages, et d’autres travaillent comme guides-accompagnateurs pour les agences de tourisme. Il n’y a parmi eux quasiment que de jeunes mâles, bien formés, ayant fait une partie de leurs études en Europe ou aux Etats-Unis. Ils parlent tous couramment anglais et sont le plus souvent des plongeurs confirmés. Ainsi nous sommes partis une journée en mer avec Daniel, qui descend en apnée à près de 20 mètres de profondeur, essayant de montrer les requins-marteau et les requins à pointe blanche à ses clients.




Le capitaine de notre bateau, Mauricio, fait partie quant à lui de la seconde espèce d’êtres humains que nous avons découverts. Ceux-là sont directement en contact avec les touristes, sans pour autant avoir à protéger ni à expliquer la nature. Dans cette catégorie, il commence à y avoir du monde : en plus de tous ses collègues qui emmènent les touristes en mer, dont le remarquable bateau-taxi « perla negra » arborant un pavillon de pirate, il faut ajouter tous les chauffeurs de taxi, ainsi que les tenanciers et employés des agences de voyage et des compagnies aériennes, des hôtels, des restaurants, des bars et des innombrables petits commerces le long du malecon, la promenade en front de mer. Ceux-là ont en commun de parler seulement quelques mots d’anglais, et d’être également très aimables avec les touristes.


Vient ensuite l’immense majorité des habitants, qui vivent tous indirectement du tourisme, tout en évitant au maximum les contacts avec eux, parce qu’ils ne parlent pas anglais et parce qu’ils ont juste envie de bien vivre sur leur île. Ce sont des pêcheurs, des artisans, des commerçants à l’écart du front de mer, des fonctionnaires et de rares agriculteurs perdus au fin fond des collines pluvieuses, ainsi que quelques prêtres et bonnes sœurs des multiples congrégations religieuses présentes en Equateur.







La dernière catégorie est elle aussi constituée principalement de mâles. Ce sont les militaires de l’importante base navale équatorienne présente sur l’île. En plus de leur fonction de poste de défense avancé en plein milieu du Pacifique, ils ont également pour mission d’arraisonner les gros bateaux de pêche qui viennent faire des razzias de thons dans les eaux protégées de l’archipel.


Interdiction d'entrer sur l'île avec des produits frais,
ni de sortir avec du sable, des coquillages
des Galapagos (ce que nous ne savions pas....)

Un peu comme les iguanes, les tortues marines, les lions de mer et les fous à pattes bleues, ces quatre espèces d’êtres humains semblent vivre en parfaite harmonie sur leur île. A l’occasion du décès d’un vieil habitant survenu juste en face de notre maison, nous avons été témoins pendant trois jours et trois nuits de la veillée du mort, et du défilé ininterrompu de voisins, de collègues et de membres de la famille, parfaitement représentatifs de la diversité des habitants de San Cristobal. Ensemble ils ont prié, chanté, invoqué le diable pour qu’il laisse l’âme du mort en paix, exactement comme on le fait là-bas, d’où ils viennent tous, sur le continent…
En repartant on s’est fait conduire à l’aéroport en taxi. L’homme qui conduisait avait plus de 70 ans. Il était arrivé sur l’île à l’âge de 4 ans, avec son père qui travaillait pour la marine équatorienne. A l’époque, dans les années 1950, la ville-port ne comptait que 25 habitations, de simples cabanes en bois. Depuis, le nombre d’habitants a été multiplié par 250. Soit exactement la même progression que pour la population de tortues terrestres géantes…




Pour tuer le temps avant de s’envoler, on a musardé devant les boutiques de souvenirs, et chacun a choisi une carte postale représentant une bestiole différente. Tortue marine pour Hélène, qui a aimé nagé autour d’elles, lion de mer pour Anémone qui a adoré les bébés tétant leurs mères, iguane pour Albert qui vibrait en touchant leur peau, et fou à patte bleue pour moi, qui aime cette couleur.

On n’a pas pris la carte postale avec la tortue terrestre. Nous, on est des vrais touristes, on veut croire que les Galapagos sont toujours comme en 1950 !


Sous la statue de Charles Darwin qui a élaboré
ici sa théorie de l'évolution en 1835





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