Samedi
26 septembre 2015, un jour qui compte pour nous, car après un mois dans la
séduisante Buenos Aires, et presque autant dans la haute et fière Humahuaca,
nous nous apprêtons à quitter notre premier pays d’accueil, l’Argentine.
Au
petit matin, poussés par le vent frisquet qui dévale des sommets, nous
descendons une dernière fois à la gare routière. Mais cette fois ce sera pour
acheter un aller simple, direction La Quiaca, la ville frontière avec la
Bolivie, à moins de trois heures de bus.
Gardienne de sacs à dos |
A
l’arrivée on charge aussitôt nos quatre gros sacs dans un taxi, qui nous
conduira jusqu’au rio marquant la frontière entre les deux pays.
Le rio marquant la frontière |
Sur le pont il
y a déjà une imposante «cola» de voyageurs, qui attendent leur tour à la queue
leu leu pour se faire tamponner le passeport.
Poste douanier de la Quiaca/Villazon |
En réalité il y a même trois
files. Celle du milieu, où nous piétinons parmi des Argentins et des Boliviens,
est pour les voyageurs à pied qui s’apprêtent à reprendre un bus de l’autre
côté, vers leur destination finale. A gauche passent les voitures, si peu
nombreuses qu’elles s’arrêtent juste le temps qu’un passager en descende,
rentre dans les bureaux et en ressorte presque aussitôt, passeport tamponné.
Un
peu jaloux, on préfère se concentrer sur la file de droite, qui elle aussi
avance trois fois plus vite que la nôtre. C’est la file réservée aux locaux,
tous Quechuas, qui passent quotidiennement la frontière, et de ce fait
apparemment dispensés de formalités : ils transitent en passant sous un
grand panneau qui interdit formellement l’entrée en Bolivie de produits
d’origine animale ou végétale. Et c’est pourtant un incessant défilé d’hommes
et de femmes en tenue traditionnelle, poussant des diables et des charrettes…
chargés de caisses et de cageots plein d’œufs, de légumes, de lait et autres
produits visiblement d’origines animale et végétale! Et tout cela sous le
regard débonnaire de douaniers essentiellement préoccupés que notre file ne
déborde pas sur la droite, afin de ne pas interrompre ce flot coloré de personnes
et de marchandises… C'est bientôt plus l'Argentine, et les gringos ne sont
plus les rois !
au milieu du pont... |
Notre
tour finira par arriver. Avec nos passeports
tamponnés nous nous engagerons sur le pont, et passerons fièrement de l’autre
côté du panneau double-face Argentine/Bolivie.
Nous sommes à Villazon tout en bas de la carte |
En réalité, on vient d'embarquer dans une belle galère, car sans le savoir nous nous retrouvons en situation de «clandestinos» : contrairement à ce qu’on imagine nos passeports n’ont pas été tamponnés par les Boliviens, mais seulement par les Argentins, et officiellement nous ne sommes donc pas entrés en Bolivie !
Bienvenidos quant même! |
On apprendra
trop tard que c’est un sport national en Bolivie, de laisser entrer les
touristes sans tamponner leur passeport, afin de les taxer ensuite quand ils se
retrouvent obligés de régulariser leur situation, au bureau de la «migracion»
le plus proche : 30 Bolivianos (4€) par jour et par personne de situation
illégale! Et comme on part pour un «road trip» de près d’une semaine dans une
zone quasi inhabitée, la plaisanterie
nous coûtera à l’arrivée une centaine d’euros, plus une demi-journée de
démarches administratives… On se console en se disant que ce n’est rien comparé à d’autres voyageurs au
long cours, qui ne s’en sont aperçus qu’au moment de sortir du pays, et qui ont dû s’acquitter de sommes astronomiques pour se libérer des charmants
douaniers boliviens !
Puis
on fait nos premiers pas dans la ville jumelle de celle d’où l’on vient, qui de
ce côté-ci se nomme Villazon.
Nous venons de quitter une Argentine aborigène
des hauts plateaux plutôt silencieuse, monochrome et un peu renfermée, et en
quelques mètres nous pénétrons d’un seul coup dans une Bolivie aborigène des
hauts plateaux multicolore, bruyante, hyper animée, pleine de minibus
klaxonnants et de mamies coiffées de chapeaux melon (les célèbres «bombinos»),
de trottoirs débordant d’étals, d’odeurs, d’appels de marchands vantant leurs
produits…
Qui veut du foetus de lama blanc séché? (on les enterre sous les maisons en guise de crémaillère) |
Le contraste est sidérant, on se retrouve totalement dépaysés, au
sens propre comme au sens figuré! Seules les majestueuses montagnes pelées
entourant la ville nous rappellent qu’on n’a pas changé d’espace-temps…
Sans
se le dire, on a tous les quatre un peu l’impression que l’aventure commence
ici. Et le voyage en bus qui suivra, même si lui aussi ne durera que trois heures,
nous confortera définitivement dans cette impression.
Pour l'illustrer, voici une petite liste
des péripéties survenues au cours de ce voyage entre Villazon et Tupiza :
- Une
passagère oubliée au départ. Heureusement elle avait déposé toutes ses affaires
dans le bus. Des passagers s’en aperçoivent, font arrêter le bus 1km plus loin…
et Ô miracle on finit par voir arriver la petite dame, sans trop courir pour ne
pas perdre son beau chapeau…
- Notre
chauffeur quant à lui avait chargé son bus de produits de contrebande (Anémone
a compté 17 caisses !). Il est découvert au premier poste de contrôle, en
pleine montagne, et évidemment contraint de tout décharger, avant d’attendre le
reçu de son amende et de finir par repartir. Le tout nous prendra bien une
bonne demi-heure, dans la bonne humeur générale entre le chauffeur et les
militaires, mais aussi les passagers compréhensifs…
- Un
spectaculaire accident de la route, sur la voie d’en face : une voiture a
percuté le plot en béton de séparation du trafic, avant de partir en tonneaux
et de s’immobiliser sur le toit, en piteux état. Le bus s’arrête aussitôt, tous
les passagers descendent, les hommes se précipitent vers la voiture, et la
soulèvent pour que les passagers puissent en sortir… miraculeusement indemnes
mais totalement sonnés et bien égratignés. Sans doute grâce au petit autel
dédié à la Pachamama, installé juste à cet endroit au bord de la route !
On ne repartira qu’après que les secours soient arrivés sur place.
Le
plus étonnant est qu’on arrivera malgré tout presque à l’heure prévue à Tupiza,
comme si toutes ces péripéties étaient plus ou moins intégrées dans le
programme… Il faut dire que les gares routières qu’on a pratiquées depuis notre
arrivée dans les Andes ont un point commun : elles indiquent l’heure de
départ, scrupuleusement respectée, mais jamais l’heure d’arrivée. Celle-ci est
donnée oralement par le guichetier, suivie de l’inévitable «mas o menos» (plus
ou moins). Evident pour les montagnards, mais pas encore pour nous, petits
Bretons qui pensons qu’il n’y a qu’en mer qu’on ne maîtrise pas les
routes !
A défaut de mer...enfin une piscine! |
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