lundi 5 octobre 2015

Bienvenue en Bolivie !


Samedi 26 septembre 2015, un jour qui compte pour nous, car après un mois dans la séduisante Buenos Aires, et presque autant dans la haute et fière Humahuaca, nous nous apprêtons à quitter notre premier pays d’accueil, l’Argentine.
Au petit matin, poussés par le vent frisquet qui dévale des sommets, nous descendons une dernière fois à la gare routière. Mais cette fois ce sera pour acheter un aller simple, direction La Quiaca, la ville frontière avec la Bolivie, à moins de trois heures de bus.

Gardienne de sacs à dos
A l’arrivée on charge aussitôt nos quatre gros sacs dans un taxi, qui nous conduira jusqu’au rio marquant la frontière entre les deux pays. 

Le rio marquant la frontière
Sur le pont il y a déjà une imposante «cola» de voyageurs, qui attendent leur tour à la queue leu leu pour se faire tamponner le passeport.

Poste douanier de la Quiaca/Villazon
En réalité il y a même trois files. Celle du milieu, où nous piétinons parmi des Argentins et des Boliviens, est pour les voyageurs à pied qui s’apprêtent à reprendre un bus de l’autre côté, vers leur destination finale. A gauche passent les voitures, si peu nombreuses qu’elles s’arrêtent juste le temps qu’un passager en descende, rentre dans les bureaux et en ressorte presque aussitôt, passeport tamponné.
Un peu jaloux, on préfère se concentrer sur la file de droite, qui elle aussi avance trois fois plus vite que la nôtre. C’est la file réservée aux locaux, tous Quechuas, qui passent quotidiennement la frontière, et de ce fait apparemment dispensés de formalités : ils transitent en passant sous un grand panneau qui interdit formellement l’entrée en Bolivie de produits d’origine animale ou végétale. Et c’est pourtant un incessant défilé d’hommes et de femmes en tenue traditionnelle, poussant des diables et des charrettes… chargés de caisses et de cageots plein d’œufs, de légumes, de lait et autres produits visiblement d’origines animale et végétale! Et tout cela sous le regard débonnaire de douaniers essentiellement préoccupés que notre file ne déborde pas sur la droite, afin de ne pas interrompre ce flot coloré de personnes et de marchandises… C'est bientôt plus l'Argentine, et les gringos ne sont plus les rois !

au milieu du pont...
Notre tour finira par arriver. Avec nos passeports tamponnés nous nous engagerons sur le pont, et passerons fièrement de l’autre côté du panneau double-face Argentine/Bolivie. 

Nous sommes à Villazon tout en bas de la carte

En réalité, on vient d'embarquer dans une belle galère, car sans le savoir nous nous retrouvons en situation de «clandestinos» : contrairement à ce qu’on imagine nos passeports n’ont pas été tamponnés par les Boliviens, mais seulement par les Argentins, et officiellement nous ne sommes donc pas entrés en Bolivie ! 

Bienvenidos quant même!
On apprendra trop tard que c’est un sport national en Bolivie, de laisser entrer les touristes sans tamponner leur passeport, afin de les taxer ensuite quand ils se retrouvent obligés de régulariser leur situation, au bureau de la «migracion» le plus proche : 30 Bolivianos (4€) par jour et par personne de situation illégale! Et comme on part pour un «road trip» de près d’une semaine dans une zone quasi inhabitée,  la plaisanterie nous coûtera à l’arrivée une centaine d’euros, plus une demi-journée de démarches administratives… On se console en se disant que ce n’est rien comparé à d’autres voyageurs au long cours, qui ne s’en sont aperçus qu’au moment de sortir du pays, et qui ont dû s’acquitter de sommes astronomiques pour se libérer des charmants douaniers boliviens !
Puis on fait nos premiers pas dans la ville jumelle de celle d’où l’on vient, qui de ce côté-ci se nomme Villazon. 


Nous venons de quitter une Argentine aborigène des hauts plateaux plutôt silencieuse, monochrome et un peu renfermée, et en quelques mètres nous pénétrons d’un seul coup dans une Bolivie aborigène des hauts plateaux multicolore, bruyante, hyper animée, pleine de minibus klaxonnants et de mamies coiffées de chapeaux melon (les célèbres «bombinos»), de trottoirs débordant d’étals, d’odeurs, d’appels de marchands vantant leurs produits…

Qui veut du foetus de lama blanc séché?
(on les enterre sous les maisons en guise de crémaillère)
Le contraste est sidérant, on se retrouve totalement dépaysés, au sens propre comme au sens figuré! Seules les majestueuses montagnes pelées entourant la ville nous rappellent qu’on n’a pas changé d’espace-temps…


Sans se le dire, on a tous les quatre un peu l’impression que l’aventure commence ici. Et le voyage en bus qui suivra, même si lui aussi ne durera que trois heures, nous confortera définitivement dans cette impression. 


Pour l'illustrer, voici une petite liste des péripéties survenues au cours de ce voyage entre Villazon et Tupiza :

Une passagère oubliée au départ. Heureusement elle avait déposé toutes ses affaires dans le bus. Des passagers s’en aperçoivent, font arrêter le bus 1km plus loin… et Ô miracle on finit par voir arriver la petite dame, sans trop courir pour ne pas perdre son beau chapeau…

Notre chauffeur quant à lui avait chargé son bus de produits de contrebande (Anémone a compté 17 caisses !). Il est découvert au premier poste de contrôle, en pleine montagne, et évidemment contraint de tout décharger, avant d’attendre le reçu de son amende et de finir par repartir. Le tout nous prendra bien une bonne demi-heure, dans la bonne humeur générale entre le chauffeur et les militaires, mais aussi les passagers compréhensifs…

Un spectaculaire accident de la route, sur la voie d’en face : une voiture a percuté le plot en béton de séparation du trafic, avant de partir en tonneaux et de s’immobiliser sur le toit, en piteux état. Le bus s’arrête aussitôt, tous les passagers descendent, les hommes se précipitent vers la voiture, et la soulèvent pour que les passagers puissent en sortir… miraculeusement indemnes mais totalement sonnés et bien égratignés. Sans doute grâce au petit autel dédié à la Pachamama, installé juste à cet endroit au bord de la route ! On ne repartira qu’après que les secours soient arrivés sur place.


Le plus étonnant est qu’on arrivera malgré tout presque à l’heure prévue à Tupiza, comme si toutes ces péripéties étaient plus ou moins intégrées dans le programme… Il faut dire que les gares routières qu’on a pratiquées depuis notre arrivée dans les Andes ont un point commun : elles indiquent l’heure de départ, scrupuleusement respectée, mais jamais l’heure d’arrivée. Celle-ci est donnée oralement par le guichetier, suivie de l’inévitable «mas o menos» (plus ou moins). Evident pour les montagnards, mais pas encore pour nous, petits Bretons qui pensons qu’il n’y a qu’en mer qu’on ne maîtrise pas les routes !

A défaut de mer...enfin une piscine!



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